La Guinée est un grand pays. Sa grandeur ne se mesure pas seulement par la longueur et la largeur de ses eaux commercialisables, de son sol cultivable et de son sous-sol monnayable. Sa grandeur est surtout mesurable par la ferveur et la valeur culturelles et intellectuelles de ses enfants de l’intérieur et de l’extérieur.
Le mérite de sa grandeur est aussi remarquable dans sa force sociale et morale par lesquelles elle a su tisser sa Nation avant de constituer son État. Cette réalité a permis au peuple guinéen d’éluder la guerre civile ou raciale dont certains pays ont été victimes.
De son indépendance historique en 1958 au soufflement du vent multipartiste vers la fin des années 80, la Guinée a péniblement supporté le poids du monopartisme à l’instar de la plupart des pays d’Afrique et de l’Europe de l’est.
À partir du début des années 1990, les dirigeants guinéens et ceux de plusieurs autres pays africains ont commencé à organiser des Comédies électorales incommodantes(titre d’un de mes articles) pour contourner ce vent du multipartisme déstabilisateur pour les dictateurs. C’est ainsi que des parodies d’élections dont les résultats étaient connus d’avance ont été organisées en 93, 98 et 2003 par le Régime Lansana Conté. Ce militaire autoritaire avait hérité en avril 1984 d’une Guinée matériellement pauvre. Au lieu de réduire cette pauvreté, Conté l’a transformé en indigence. Il s’est taillé la complicité d’une petite minorité de ses compatriotes qui a pu dominer l’armée et contrôler le pouvoir politique en s’adonnant, sans vergogne, au détournement du dénier public. Ainsi, la Guinée souffre depuis près de 3 décennies d’hémorragie financière, de déperdition socioculturelle et surtout de désordre politico-administratif qui lui a permis de battre le record mondial de publication de décrets présidentiels dérisoires et contradictoires.
Sékouba Konaté, un Naré Maghan Konaté des temps modernes?
La Guinée actuelle est dans un tourment. Elle est tourmentée et traumatisée. Car, la grande majorité de la population guinéenne n’arrive toujours pas à comprendre comment, malgré ses richesses naturelle, culturelle et intellectuelle fabuleuses, elle reste emballée dans la pauvreté, engouffrée dans l’autocratie et enfoncée dans l’obscurité nocturne.
C’est dans de telle situation de maladie chronique et contagieuse de leur mère patrie que des Guinéennes et Guinéens seront aux urnes dans seulement 7 jours(le 27 juin 2010) grâce à la fermeté, à l’honnêteté et au patriotisme d’un général de son armée : Sékouba Konaté. Cet homme en uniforme, consciencieux et respectueux de la dignité de ses compatriotes aurait pu aussi, comme ses prédécesseurs Lansana Conté et Moussa Dadis Camara, jouer à la confiscation ou la prolongation d’un pouvoir qu’ils ont pourtant tous promis de remettre démocratiquement à ceux qui seront élus par le peuple.
Si Konaté parvient à maintenir cette date électorale et à bien l’organiser, il deviendra non seulement le Naré Maghan Konaté (Ex-roi du Manding) amélioré mais surtout un meilleur repère de la démocratie africaine. Dans l’un de mes articles écrits sur la dramatique situation politique guinéenne en 2006 titré «La phase ultime», j’ai proposé, pour une meilleure sortie de crise, ceci au président général Lansana conté et sa famille:« Dans une situation aussi délétère, je m’adresse aux quatres épouses du général président, Mmes Conté Henriette Bangoura, Hadja Kadiatou Seth Camara, Hadja Asmaou Baldé et Mamadie Touré assisté du fils aîné Ousmane Conté. Je suis et demeure convaincu que vous êtes les cinq seuls êtres humains capables de dénouer élégamment l’impasse actuelle. Que le général Conté soit malade ou pas, il se trouve à une phase ultime de prise de décision pendant laquelle votre concours conjugal et filial lui sont indispensables. Car le bonheur, le malheur, l’honneur et l’humiliation de Lansana Conté sont intimement et naturellement liés aux vôtres…
… dites au Général Conté de convoquer une réunion d’urgence regroupant lui-même et sa garde rapprochée, Dr. Ibrahima Fofana et les membres de son exécutif syndical, les premiers responsables des parti politiques importants (qui sont représentés dans au moins trois des quatre régions naturelles) accompagnés de leur secrétaire politique, pour leur faire ces propositions concrètes :
a) Demander aux participants un engagement ferme garantissant au général Conté une immunité judiciaire permanente s’il dépose sa démission dans les sept jours suivants pour permettre une transition paisible.
b) Proposer aux responsables des partis politiques et des syndicats présents à entamer une concertation intensive durant un maximum de cinq jours aboutissant aux nominations consensuelles d’un président et d’un Premier ministre provisoires qui formeront un gouvernement de transition.
Préciser que ni ce président ni ce Premier ministre ne pourront être candidats aux élections présidentielles.
c) Déterminer la limitation du mandat de ce gouvernement à neuf mois sans aucune possibilité de prolongation. Déterminer la date des élections au moins trois mois à l’avance».
Si Conté et sa famille avaient choisi de quitter honorablement le pouvoir, ils auraient évité à la Guinée des évènements désastreux dont les sauvageries sanglantes survenues dans le stade du 28 septembre.
Peuple guinéen, de l’intérieur et de l’extérieur, cette date historique du 27 juin vous offre la possibilité de participer à votre toute première élection pluraliste et réaliste, depuis plus de 50 ans d’indépendance, pour vous prononcer librement sur votre avenir et devenir en choisissant un dirigeant.
Électeurs et électrices, à cette phase décisive d’une prise de décision péremptoire, je me propose de vous soumettre, avec le risque d’être détesté ou haï, mes analyses sur la nature des candidatures au poste de président de la République de Guinée. Je précise avant tout n’avoir jamais eu de lien amical, parental ou professionnel avec aucun des 24 candidats. Je n’ai vu aucun d’entre eux exceptés les visages de quelques uns à travers les médias.
Tourment ou Tournant?
Plongée dans un tourment pendant plusieurs décennies par certains de ses fils véreux, la Guinée se trouve maintenant à un tournant qui est une période cruciale de changement dans son évolution nationale.
Probablement les structures actuelles engagées dans l’organisation d’une telle élection présidentielle sans précédent ont dû laisser tout citoyen guinéen capable d’avoir la caution de 400 millions de francs à être candidat par crainte de confronter le pays à une éventuelle rébellion post-électorale comme ce fut le cas en Côte d’Ivoire. Si non des repris de justice, des ministres et premiers ministres qui ont participé implicitement ou explicitement à la gabegie politico-financière du pays ne devraient pas être acceptés à se présenter. Ceux-ci n’ont-ils pas accepté de se servir de leurs postes de responsabilité pour cautionner la détérioration grandissante des conditions de vie des millions de leurs compatriotes sous le couvert des gouvernements? La meilleure sanction contre ces complices patents (anciens ministres et premiers ministres) du délabrement de la Guinée ne peut être prise que par les électeurs en ne votant pas pour eux.
Une exception.
Ne dit-on pas que l’exception confirme la règle? Tel a été le cas de cet ancien premier ministre, monsieur François Lauceni Fall. Cet homme a fait preuve d’une honnêteté très rare dans le monde politique en osant démissionner de son poste de premier ministre dès que son programme de développement favorable aux populations a été refusé par le président Conté. Fall mérite des considérations.
Les opposants.
Le fait d’exprimer publiquement avec conviction son refus d’appuyer des décisions ou actions des dirigeants dans un contexte politique donne à un homme, un groupe d’homme ou un parti le statut d’opposant.
Parmi les candidats à cette présidentielle, un homme politique, qualifié par plusieurs d’«opposant historique», n’a jamais accepté de participer à la gestion du pays avec un gouvernement qui ne correspond pas à son idéal politique. Il s’agit du prof. Alpha Condé qui a pu ainsi, avec les autres dirigeants de son parti RPG, se mettre à l’écart des corruptions gouvernementales.
Tous les autres candidats qui, comme Alpha, se sont éloignés du long processus de dilapidation de l’économie guinéenne méritent la confiance des électeurs pour que le pays entre cette fois-ci dans le grand tournant des hommes nouveaux et d’une mentalité nouvelle. C’est ce genre de tournure de vision qui illumine un grand tournant conduisant indubitablement vers de vrais changements pouvant faire de la Guinée un exemple continental.
Selon ma petite connaissance de la politique, je demeure convaincu que les électeurs doivent voter pour un candidat en considérant d’abord ce qu’il a fait et ce qu’il a été avant la période d’une campagne électorale. Car les candidats en campagne de séduction sont prêts à faire des promesses mielleuses dont la plupart ne seront pas respectées.
Il parait que le peuple ne se trompe pas et que tout peuple mérite son dirigeant. S’il arrivait que le peuple de guinée choisisse un des anciens premiers ministres ou ministres, il serait souhaitable que ce nouvel élu prouve par la réalisation de vrais projets de développement que mon analyse est complètement erronée. Cela, dans l’intérêt supérieur de la Guinée.
Je voudrais juste rappeler que chaque électeur portera dans sa conscience les conséquences, bonnes ou mauvaises, de son choix pendant au moins une dizaine d’années avant d’espérer y apporter un changement.
Au-delà des candidats, je souhaite de tout cœur que la Guinée sorte gagnante de cette élection de la semaine prochaine.
Par Lacine Diawara