Guinée : cette sommation faite par Mamady Doumbouya aux compagnies minières, qui devrait faire école


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Mamady Doumbouya, président de la Transition de Guinée
Mamady Doumbouya, président de la Transition en Guinée

Le Président guinéen, Mamady Doumbouya a décidé de mettre un terme à l’exploitation sauvage des ressources minières de son pays. En commençant par la bauxite.

La Guinée est incontestablement l’un des pays aux sous-sols les plus riches en Afrique, mais dont la population demeure curieusement l’une des plus pauvres non seulement à l’échelle continentale, mais également au plan mondial. Une incongruité due à la manière dont les abondantes richesses minières du pays sont gérées, et qui fait que les compagnies minières se taillent une part léonine, laissant la portion congrue à la partie guinéenne. Non content de cet état de choses qui dure depuis plusieurs décennies, le Président du Comité national du rassemblement pour le développement (CNRD), le colonel Mamady Doumbouya a décidé de corriger le tir, en commençant par le secteur de la bauxite dont la Guinée est l’un des plus gros producteurs mondiaux, avec des réserves estimées à 7,4 milliards de tonnes.

Pour ce faire, l’homme fort de Conakry a invité, vendredi dernier, les représentants d’une dizaine de compagnies exploitant ce minerai. Six au moins ont répondu présents à l’appel du chef de l’État guinéen. Et devant ce parterre d’invités, Mamady Doumbouya cracha sa vérité, une vérité qui devrait inspirer d’autres dirigeants africains, pour les amener à remettre en cause beaucoup d’accords conclus avec bien des compagnies étrangères. « Mesdames et Messieurs, les chefs d’entreprises, j’ai demandé à vous rencontrer pour vous faire part des attentes du peuple de Guinée concernant l’exploitation de ses ressources minières. Vous êtes venus investir en Guinée afin d’obtenir un meilleur rendement pour vos capitaux. Ces investissements devraient se faire non pas au détriment de la Guinée, mais à son profit. C’est cela la coopération gagnant-gagnant ». C’est par ces mots, on ne peut plus directs, que le Président guinéen plante le décor.

Plus rien ne sera comme avant

Au cours de cette rencontre, Mamady Doumbouya a clairement signifié aux représentants des différentes compagnies que plus rien ne sera comme avant. Et ceci, en partant du constat selon lequel ces compagnies ne remplissent pas leur part de responsabilité contractuelle. « Nous avons mis en place plusieurs mesures incitatives pour un climat d’affaires garantissant un retour sur investissement élevé. Cependant, force est de constater que les attentes ne sont pas comblées du côté de nos populations, et le gouvernement en est conscient. Cela ne peut continuer », martèle-t-il. Le reproche majeur que l’homme fort de Conakry a formulé à l’encontre des compagnies minières, c’est le non-respect des clauses contractuelles qui prévoient le raffinage de la bauxite sur place. C’est pourquoi il insiste : « Désormais, leur transformation sur place devient incontournable. C’est un impératif et sans délai. J’instruis le gouvernement de faire une évaluation des conventions par des cabinets spécialisés de manière à rétablir l’équité des relations entre vos sociétés et la Guinée (…) Vous et nous ne pouvons plus continuer ce jeu de dupes qui perpétue une grande inégalité dans nos relations. Il faut la corriger et c’est maintenant ».

Mais, le rétablissement de l’équité ne se limitera pas à la construction de raffineries. Il faudra aussi que « tous les matières premières et produits rentrant dans la transformation [soient] produits sur place », précise le colonel Doumbouya. Les compagnies minières parmi lesquelles la Société minière de Boké (SMB, détenue par l’armateur singapourien Winning Shipping, le producteur chinois d’aluminium Shandong Weiqiao et le groupe Yantaï Port), la Compagnie des bauxites de Guinée (CBG, dont l’État guinéen est actionnaire à hauteur de 49 % et Halco Mining Inc à hauteur de 51 %) et le Russe Rusal, devront absolument se conformer à ces nouvelles exigences avant la fin du mois de mai.

L’exécution à la lettre de cette décision prise par le gouvernement guinéen devra permettre au pays de mieux profiter de ses ressources naturelles. Car, c’est un truisme que de dire que l’exportation de produits bruts n’a jamais profité au producteur. C’est la transformation qui génère de l’emploi, des revenus, bref la richesse. C’est malheureusement une évidence qui échappe encore à bien des dirigeants africains.

A lire : Guinée : les sociétés minières chinoises de moins en moins tolérées??

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Par Serge Ouitona, historien, journaliste et spécialiste des questions socio-politiques et économiques en Afrique subsaharienne.
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