L’un des pays les plus instables institutionnellement de l’Afrique de l’Ouest, la Guinée-Bissau, est pris en otage par le trafic de drogue, la vente d’armes et les rivalités ethniques. Alberto Dabo, politologue, décrypte la situation alarmante de la capitale, Bissau.
(De notre correspondant)
En décryptant la situation politique de la Guinée Bissau, Alberto Dabo révèle que son pays est pris en otage par deux formations politiques : le Parti africain de l’indépendance de la Guinée et du Cap vert (PAIGC) et le Parti Africain de la Rénovation Sociale de Mohamed Kumba Yalà. « Chacune de ces formations politiques a sa propre branche armée au sein de l’armée nationale. Dès lors, à tout moment, elles peuvent manipuler l’armée nationale pour défendre les intérêts personnels de leurs formations politiques. »
La vente des armes vers la Casamance, au Sénégal
Selon le politologue, « l’une des activités que pratiquaient les autorités militaires de la Guinée-Bissau entre 1982 et 2000 ; c’est la vente d’armes en destination de la rébellion du Mouvement des forces démocratiques de la Casamance (Mfdc) ». A l’époque, les défunts généraux Ansoumana Mané, Brismo Corréia, Tagmé Na Wayé et le colonel Samba Diallo étaient tous accusés de vendre ou de convoyer, en direction des chefs rebelles du Mfdc, qui réclament depuis 1982 l’indépendance de cette partie du Sénégal. Pour le contrôle de cette activité, des règlements de compte sont souvent notés entre différents chefs militaires. D’après plusieurs observateurs politiques de Bissau, le nombre d’assassinats est croissant.
Trafic de cocaïne vers les pays latino-américains
Pour M. Dabo, le trafic de cocaïne a progressivement remplacé celui de la vente des armes. Des militaires et hommes politiques sont fortement impliqués dans cette activité illicite. « C’est pourquoi, les nouvelles autorités militaires, à leur tête le général Antonio Indjai, se sont opposés au pouvoir politique mis en place par la Communauté économique des Etats de l’Afrique de l’ouest (Cedeao) pour réformer l’armée nationale. Parce que, ces officiers et sous-officiers qui refusent d’aller en retraite tirent leurs revenus à partir de ce trafic de cocaïne », a-t-il expliqué. Le contrôle de ce trafic serait à l’origine de plusieurs assassinats de personnalités politiques. L’Organisation des Nations Unies (Onu) note par ailleurs dans un rapport de l’année dernière que de nombreux groupes criminels, notamment nigérians et latino-américains, organisent le trafic. De plus en plus, la Guinée-Bissau devient donc une plaque tournante du trafic de drogue.
Rivalités entre ethnies pour le contrôle du pouvoir
Alberto Dabo est catégorique : « le troisième facteur de l’instabilité en Guinée-Bissau est lié aux rivalités qui opposent les ethnies Ballantes, qui sont majoritaires avec 25% de la population qui s’identifie dans le parti de la rénovation sociale (PRS) de Kumba Yalà, l’ancien président de la République ; aux Manjacque et Papel qui sont les actionnaires majoritaires du parti de l’indépendance de la Guinée et du Cap Vert (PAIGC). Chacune de ces formations politiques a sa propre branche armée au sein de l’armée nationale pour déstabiliser le régime en place », a-t-il révélé. Les ethnies Ballantes, qui seraient représentées à 60% dans l’armée, cherchent toujours à contrôler le pouvoir politique malgré les réformes annoncées par la Cedeao.
Depuis son accession à l’indépendance, on note régulièrement des coups d’Etat ou des mutineries dans ce pays. Le dernier putsch remonte au 13 avril 2012, en pleine campagne du second tour de la présidentielle, qui opposait le premier ministre sortant Carlos Jùnior Gomez, au chef de l’opposition Kumba Yalà.
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