Selon le récent rapport du Secrétaire général des Nations Unies sur la Guinée Bissau, le gouvernement et l’armée de ce pays seraient impliqués dans le trafic de drogue.
« Le trafic de drogue risque de déstabiliser le nouveau processus de démocratisation de la Guinée Bissau, d’encourager le crime organisé et de bafouer le principe de l’Etat de droit », peut-on lire dans le rapport publié le 28 septembre.
Le rapport cite des cas précis d’implications probables du gouvernement dans le trafic de drogue, notamment « la responsabilité supposée de plusieurs hauts fonctionnaires du gouvernement de l’ancien Premier ministre Aristides Gomes, dans la disparition de 670 kilogrammes de cocaïne saisis par les autorités ».
Le Secrétaire général des Nations Unis cite également plusieurs plaintes contre les tentatives d’intimidation du gouvernement à l’encontre de journalistes et de défenseurs de droits humains qui enquêtaient sur le trafic de drogue.
Des preuves tangibles
Selon le report, le Bureau des Nations Unies pour le soutien à la construction de la paix en Guinée Bissau, a fourni une protection à Mário Sá Gomes, un défenseur des droits humains de Guinée Bissa « qui avait osé dénoncer l’implication de l’armée dans le trafic de drogue ».
« M. Gomes a quitté les bureaux des Nations Unies le 23 août après que mon représentant eut obtenu les assurances du ministre de l’Intérieur, au mon du gouvernement, que M. Gomes ne serait pas inquiété ni arrêté et que le gouvernement garantirait sa protection », a indiqué le Secrétaire général dans le rapport.
Les représentations régionales du Bureau des Nations Unies sur les drogues et la criminalité (UNODC) pour l’Afrique de l’Ouest et du Centre ont documenté des douzaines de cas de cargaisons de drogue qui auraient été saisies en Guinée Bissau, alors que très peu de personnes auraient été inculpées, a expliqué IRIN Antonio Mazzitelli, le représentant régional de l’UNODC.
Deux ressortissants colombiens, arrêtés en Guinée Bissau pour blanchiment d’argent et possession illégale d’armes à feu, avaient été relâchés. Depuis, ils ont disparu dans la nature, a indiqué M. Mazzitelli. Un de ces Colombiens est d’ailleurs suspecté d’avoir des liens avec les Forces armées révolutionnaires de Colombie (FARC).
Selon un représentant d’une autre organisation internationale, qui a requis l’anonymat, deux militaires bissau-guinéens, un capitaine et son chauffeur, auraient été arrêtés récemment en possession d’importantes quantités de drogue, avant d’être relâchés.
Le pouvoir divisé
Pour lui, comme pour d’autres représentants, la montée des tensions en Guinée Bissau entre certains responsables du gouvernement et des membres de la hiérarchie militaire s’explique par une concurrence pour le droit à assurer la sécurité des narcotrafiquants.
« Les narcotrafiquants ne veulent pas de conflit. Ils veulent avoir un partenaire sûr pour faciliter l’écoulement de leurs marchandises », a expliqué M. Mazzitelli. « Mais il y a une fracture au sein du gouvernement et elle est de plus en plus marquée ».
La plus flagrante est le différend entre le chef d’état-major général des armées et le chef d’état-major de la marine. Ils apparaissent rarement ensemble en public à des cérémonies et, d’après certains représentants à Bissau, plusieurs responsables politiques seraient derrière les deux chefs militaires.
« Il est possible que dans l’un des camps il y ait des gens honnêtes qui tentent d’arrêter les narcotrafiquants », a fait remarquer M. Mazzitelli. « Mais il est difficile de le savoir, puisque les deux camps s’accusent mutuellement ».
M. Mazzitelli s’est toutefois dit confiant en la détermination de la nouvelle ministre de la Justice, Carmelita Pires à mettre fin au trafic de drogue.
Depuis le lancement d’un plan d’urgence pour combattre le trafic de drogue, la ministre a reçu plusieurs menaces de morts, mais elle ne bénéficie toujours pas d’une protection particulière, a-t-il dit.
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