Quand le célèbre opposant refuse de répondre aux questions de la Cour de sûreté, ce sont ses juges qui, d’un coup, se retrouvent jugés. Jugé aussi, le régime de Lansana Conté et son décalage grandissant avec ses voisins ouest-africains.
Il flotte au tribunal de Conakry comme un air du passé. Un air du temps, heureusement révolu dans les autres capitales ouest-africaines, où les oppositions étaient simplement niées, et où des pouvoirs paranoïaques écrasaient toute velléité d’expression politique indépendante. Alpha Condé, dont le procès pour complot reprend pour la troisième fois en cinquante jours à la Cour de sûreté de l’Etat guinéen, est le dernier grand opposant national ouest-africain à subir cette loi inique.
Incarcéré depuis le second tour de l’élection présidentielle de décembre 1998 sur l’ordre du président Lansana Conté, Alpha Condé est accusé d’avoir fomenté un complot contre la vie du chef d’Etat guinéen. Avec ses quarante-sept coaccusés, il a d’abord récusé ses juges. Ses avocats ont ensuite quitté le tribunal, estimant que les vices de forme ayant entaché l’instruction de l’affaire rendaient impossible la défense de leur client. A la troisième reprise, hier, Alpha Condé a simplement déclaré au tribunal qu’il n’avait » rien à dire « .
Refus du verdict
Début mai, l’opposant avait écrit au président du tribunal afin de protester contre le traitement de son procès par la télévision guinéenne. Selon l’AFP qui a pu lire la lettre, Condé y dénonçait le fait que le média national ait occulté » l’essentiel des dépositions « pour leur substituer » des commentaires orientés « .
Un air du passé, donc : le secrétaire général du Parti de l’unité et du progrès (PUP), au pouvoir, n’a-t-il pas expliqué que la Guinée était » victime d’un lynchage médiatique et d’une manipulation (…) de l’Internationale socialiste et de la franc-maçonnerie « ?
On pourrait en sourire si Alpha Condé ne risquait pas la peine de mort. Quant à l’opposition guinéenne, elle refusera le verdict » quel qu’il soit. «