Guinée : Aliou Bah face à la justice, la réquisition qui secoue la transition


Lecture 3 min.
Aliou Bah
Aliou Bah

La justice guinéenne s’apprête à trancher dans une affaire hautement politique : le parquet a requis cinq ans de prison contre Aliou Bah, leader de l’opposition, accusé d’avoir offensé le chef de la junte. Ce procès symbolise l’autoritarisme croissant du régime militaire et soulève de sérieuses inquiétudes sur l’avenir des libertés publiques en Guinée.

La tension ne faiblit pas autour du procès en appel d’Aliou Bah, figure de l’opposition guinéenne et président du Mouvement démocratique libéral (MoDel). Alors qu’il avait été condamné à deux ans de prison en première instance pour « offense et diffamation » envers le chef de l’État, le parquet a requis, mardi 22 avril, cinq ans de prison ferme. Une demande qui illustre un durcissement du régime militaire face aux voix dissidentes et qui soulève de nombreuses interrogations sur l’état des libertés en Guinée.

Un procès sous haute tension

L’audience du 22 avril à la cour d’appel de Conakry s’est tenue dans un climat électrique. Tandis qu’à l’intérieur de la salle, les débats étaient tendus entre la défense et le parquet, à l’extérieur, les partisans d’Aliou Bah ont bravé un impressionnant dispositif de sécurité pour exprimer leur solidarité. Fouilles, intimidations, refoulement de diplomates : tout a concouru à faire de cette journée judiciaire un véritable bras de fer entre pouvoir et opposition.

Le ministère public reproche à Aliou Bah d’avoir publiquement critiqué le Comité national du rassemblement pour le développement (CNRD) et d’avoir incité les chefs religieux à dénoncer les dérives du régime, notamment les disparitions forcées de figures de la société civile comme Foniké Menguè et Habib Marouane Camara. Dans une vidéo projetée par l’accusation, le leader du MoDel appelle ces dignitaires à « prendre leurs responsabilités ». Des propos que la justice interprète comme une offense grave au président de la transition, le général Mamadi Doumbouya.

Une défense vent debout contre une décision jugée politique

Aliou Bah, qui continue de clamer son innocence, a rejeté en bloc les faits qui lui sont reprochés. Sa défense dénonce un procès politique et réclame sa relaxe pure et simple. Pour ses avocats, le seul tort de leur client est d’avoir exercé sa liberté d’expression dans un pays où celle-ci est de plus en plus menacée. En guise de contre-offensive, la défense a projeté une autre vidéo, dans laquelle des proches de Foniké Menguè et de Habib Marouane Camara témoignent de leur enlèvement par des hommes armés en uniforme, à bord de véhicules de la gendarmerie nationale.

La réquisition du procureur général Fallou Doumbouya, qualifiant la peine initiale de « dérisoire », apparaît comme un signal fort envoyé par la junte aux autres opposants : toute critique du régime ne sera plus tolérée. Depuis le coup d’État de 2021, la Guinée vit sous un régime autoritaire qui restreint les libertés, interdit les manifestations, et muselle la presse. Ce procès, emblématique de cette dérive, interpelle la communauté internationale et renforce les inquiétudes sur l’avenir de la transition.

Un verdict très attendu

La défense d’Aliou Bah doit réagir officiellement le 23 avril. Le verdict à venir sera scruté de près, tant par les partisans du MoDel que par les défenseurs des droits humains. Plus qu’un simple procès, cette affaire cristallise les tensions entre une opposition en quête de justice et un pouvoir militaire décidé à faire taire toute voix dissidente. Dans une Guinée marquée par l’incertitude, l’issue de ce procès pourrait bien être un tournant décisif.

Newsletter Suivez Afrik.com sur Google News