Le Premier ministre du Président Alassane Ouattara, Guillaume Soro, a décidé de s’installer vendredi prochain dans les locaux officiels de la primature ivoirienne, au mains du Président sortant Laurent Gbagbo. Le ton du secrétaire général de l’ex-rébellion des Forces nouvelles, encore armée, ne cesse de monter ces derniers jours. Le Rassemblement des houphouétistes pour la démocratie et la paix (RHDP), coalition autour d’Alassane Ouattara, a invité ce mardi la population à «accompagner massivement» Guillaume Soro.
Deux Présidents, mais un point commun : Guillaume Soro, secrétaire général de l’ex-rébellion des Forces nouvelles (FN). L’actuel Premier ministre d’Alassane Ouattara, Président ivoirien élu selon la Commission électorale ivoirienne (CEI), a été aussi celui de Laurent Gbagbo, Président ivoirien reconnu par le Conseil constitutionnel. Dans un communiqué publié ce lundi, Guillaume Soro indiquait que, « conformément à la déclaration (…) du Conseil de sécurité de l’ONU du 8 décembre 2010, qui fait obligation d’installer le Gouvernement légitime de Côte d’Ivoire dans ses prérogatives », son gouvernement « au complet se rendra (ce jeudi 16 décembre 2010) dans les locaux de la RTI (média d’Etat) pour y installer le nouveau directeur général (Brou Aka Pascal). De même, « le conseil de gouvernement » se tiendra le vendredi 17 décembre « dans les locaux de la Primature au Plateau (siège officiel de l’institution)». Son gouvernement se réunit pour l’heure au Golf Hôtel, QG d’Alassane Ouattara situé dans le quartier de Riviera, dans la capitale économique Abidjan. Le Rassemblement des houphouétistes pour la démocratie et la paix (RHDP), dont Alassane Ouattara a été le candidat au second tour, a appelé ce mardi « tout le peuple de Côte d’Ivoire à accompagner massivement le gouvernement jeudi à la (radio-télévision publique) RTI » et vendredi «le gouvernement de la République à la Primature ». La RTI et la primature sont pour l’heure aux mains de Laurent Gbagbo. Selon le quotidien Soir Info, dans un article publié ce mardi, Gilbert Marie Aké N’Gbo, le Premier ministre de Laurent Gbagbo, effectuerait des « travaux de réaménagement », selon des informations recueillies la veille, en vue de sa prochaine installation. La guerre des Présidents, par primature interposée, est donc ouverte.
L’annonce de Guillaume Soro fait suite à une autre, publiée le 10 décembre sur le nouveau site de la primature ivoirienne, dans laquelle le Premier ministre affirmait que« dans les jours à venir, la situation va se normaliser. En ce qui me concerne, dès la semaine prochaine, je serai à mes bureaux pour faire face aux défis pressants et aux préoccupations urgentes des Ivoiriens ». Après son mutisme au moment de la proclamation des résultats du second tour de la présidentielle du 28 novembre, ces récentes déclarations laissent croire qu’il pourrait jouer un rôle dans le dénouement de la crise au sommet de l’Etat ivoirien. D’autant qu’il a joué tout au long du processus électoral le rôle d’un arbitre qui s’est néanmoins permis de sortir de sa réserve. Notamment sur l’interruption de la circulation des sms pendant le premier tour, et surtout sur l’instauration du couvre-feu à la veille du second. Chaque fois, Guillaume Soro a expliqué qu’il n’en voyait pas la nécessité, se faisant ainsi le garant de la liberté de communiquer et de circuler des citoyens ivoiriens. A l’instar de ce que laissaient entendre ses propos au lendemain de l’intervention du président du Conseil constitutionnel Paul Yao N’Dré qui fera du président sortant, Laurent Gbagbo, le président élu. « Notre position est de soutenir la proclamation faite par la Commission électorale indépendante et la certification faite par les Nations unies », affirmera-t-il le 4 décembre dernier après la confirmation des résultats du second tour de la présidentielle par les Nations unies.
A l’assaut de la primature
La défection qu’il fait alors à Laurent Gbagbo n’est pas si surprenante. Même si les deux hommes semblaient avoir trouvé un terrain d’entente après la signature de l’Accord politique de Ouagadougou en mars 2007. Ce dernier fit de lui l’hôte de la primature. Quelques jours avant sa nomination au poste de Premier ministre, il expliquera dans un entretien après avoir reçu la proposition de Laurent Gbagbo : « J’ai émis beaucoup de réserves. […] Mais je n’ai pas encore suffisamment testé la sincérité du chef de l’Etat depuis la signature de l’accord. Sa conversion soudaine est difficile à digérer. Si j’accepte, c’est avec l’assurance que nous allons à des élections. »
Les élections ont été organisées et Guillaume Soro a choisi son camp, celui d’Alassane Ouattara. Le secrétaire général des FN n’est pas un soutien négligeable quand on sait que ses forces militaires sont encore opérationnelles. L’incident, qui a opposé des éléments de la Garde présidentielle, fidèle à Laurent Gbagbo, et des Forces nouvelles devant le QG du gouvernement d’Alassane Ouattara à la Riviera ce lundi, l’a prouvé. « Depuis 48h, nous assistons à une provocation répétée de la Garde républicaine. Il faut faire la différence entre la garde républicaine et l’armée nationale, c’est-à-dire les Forces de défense et de sécurité », a-t-il fait savoir ce lundi. Guillaume Soro a également indiqué qu’il a demandé « aux responsables de notre sécurité, mais aussi aux forces impartiales de prendre rapidement contact avec la garde républicaine pour que les provocations cessent ».
Après avoir invité les fonctionnaires et agents de l’Etat à ne plus « collaborer avec le gouvernement illégal mis en place par l’ancien Président Laurent Gbagbo, gouvernement issu (…) d’un coup d’Etat institutionnel », Guillaume Soro s’apprête à prendre les rênes de la primature pour le compte de son Président, Alassane Ouattara, d’ici la fin de la semaine. Son double, dans le camp Gbagbo, ne s’est pas encore exprimé à ce sujet.