Guerre des ondes à Casa


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Drapeau du Maroc
Drapeau du Maroc

Avec l’arrivée du nouveau directeur de la chaîne 2M, on assiste à une nouvelle concurrence en matière de programme. La télévision marocaine en avait grand besoin face au développement de la réception satellitaire. Mais il est sans doute déjà tard…

L’arrivée de Noureddine Saïl à la tête de la chaîne 2M date à peine de quelques mois, et c’est à un réveil en fanfare de la concurrence entre les deux chaînes marocaines que l’on assiste déjà : ainsi du débat passionné qui les a agitées à propos de la retransmission en direct de certains matches du championnat marocain de football. Ainsi aussi de l’amertume exprimée par la RTM devant la reprise gracieuse, par la riche chaîne 2M, des images royales réalisées par les équipes désargentées et valeureuses de la vieille chaîne publique. Ainsi de l’affrontement croissant entre les équipes commerciales des deux télévisions, toutes deux dirigées par des équipes efficaces et pragmatiques.

La télévision marocaine avait grand besoin, en effet, d’un coup de jeune, pour lui permettre de retrouver des couleurs face aux offres diverses et variées qui arrosent le royaume par voie satellitaire : les paraboles ne seraient pas si nombreuses sur les toits de Casa si les programmes de la RTM et de 2M n’avaient pas conservé trop longtemps leur parfum passéiste…

Le développement de productions nationales

L’importance de ce renouveau médiatique passe par des choix d’antenne essentiels, comme celui qu’à fait Saïl en décidant des investissements directs dans la production de fictions marocaines ou de coproductions maghrébines. Il faut du temps, naturellement, pour voir les effets de telles décisions de production, mais il est vraisemblable que l’arrivée de ces téléfilms ou films proprement marocains fera l’événement. Voilà une initiative forte de 2M, qui offrira au téléspectateur de Rabat ou de Fès des images dans lesquelles il aura plus de chance de s’identifier que dans les séries américaines au format international.

Les délais de production, c’est le drame de l’audiovisuel, sont aussi peu compressibles que les coûts… Et la programmation du mois de Ramadan n’a malheureusement pas permis à 2M de trancher fortement, comme Noureddine Saïl aurait voulu le faire, sur l’offre de la RTM. Malgré la multiplication des contrats signés avec les figures comiques les plus en vogue, l’hebdomadaire marocain La nouvelle Tribune se faisait l’écho cette semaine de la déception des téléspectateurs devant un humour de plus en plus ringard, et de moins en moins authentique… Comme si la légèreté et le décalage nécessaires à un humour libéré manquaient, cette année, sur les antennes…

De vieilles recettes

Déception, devant les prestations quotidiennes, rarement innovantes, et trop retenues, de Mohamed Khiyari… Miloud Fahid égrène, pour sa part, au fil des métiers qu’il évoque, les mêmes gags, vite usés, et son succès en « prime time » après la rupture du jeûne repose plutôt par la faiblesse de ses concurrents : Baz a vieilli, les séries du duo Aziz Saâd Ellah et Khadija Assad n’ont plus le même dynamisme, et semblent s’essouffler, à certains épisodes… On comptait sur 2M pour proposer une bouffée d’humour jubilatoire, on en sera, cette année, pour ses frais.

Il est vrai que ces efforts étaient louables, face à l’inertie de la RTM qui en misant sur la musique traditionnelle, comme à son habitude, a surtout offert un fond sonore serein aux repas familiaux, sans beaucoup capter l’attention du public, avide de distractions plus vives…

Une question de survie

Encore une fois, le Ramadan audiovisuel aura été un temps de jeûne, en matière d’images également. Or les nouvelles technologies, le satellite, l’arrivée d’Internet, sont autant de réalités auxquelles les chaînes de télévision marocaines sont aujourd’hui directement confrontées. Devant une concurrence démultipliée, elles n’ont pas d’autre choix que d’investir plus et mieux, pour faire naître des talents authentiquement marocains, pour soutenir et révéler des artistes capables d’exprimer les aspirations nouvelles d’une société qui change.

Certes, les temps de production, l’inertie des structures (le fameux statut de la RTM et la fameuse reprivatisation programmée de 2M) et la difficulté qu’il y a à changer les habitudes expliquent beaucoup de choses. Mais à force de délais, il est trop tard. Et le téléspectateur marocain, lui aussi, risque de prendre ailleurs ses propres habitudes.

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