Alors que la France a annoncé qu’elle assignera Mohamed Bacar en résidence à la Réunion avant d’examiner sa demande d’asile politique, des manifestants sont descendus dans la rue, jeudi à Moroni et à Mayotte, pour réclamer le retour aux Comores de l’ancien président de l’île d’Anjouan.
Après que la France a confirmé mercredi que Mohamed Bacar, ancien homme fort de l’île d’Anjouan aux Comores, avait fui sur l’île française de Mayotte, des manifestations ont éclaté pour réclamer son extradition. A Moroni, capitale fédérale des Comores, les forces de sécurité appuyées par des soldats de l’Union africaine (UA) ont dispersé jeudi à coups de grenades lacrymogènes des manifestants qui dénonçaient « la France ennemie ». Des manifestations tendues ont eu lieu devant la Banque centrale, où travaillent de nombreux Français, et devant l’ambassade de France, où ils ont réclamé l’expulsion de l’ambassadeur. « France, livrez Mohamed Bacar », était-il écrit sur des affichettes brandies par les opposants. Ces échauffourées ont fait plusieurs blessés, et des voitures ont été brûlées.
A Mayotte aussi, des dizaines d’Anjouanais ont manifesté contre la présence de Mohamed Bacar à Petite Terre, où se trouve l’aéroport, provoquant l’annulation des deux vols quotidiens entre Mayotte et la Réunion. C’est justement dans cette île que l’ancien président dissident d’Anjouan, contre lequel les Comores ont lancé des mandats d’arrêt internationaux, doit être transféré par les autorités françaises « dans les heures qui viennent », selon une déclaration jeudi du ministère des Affaires étrangères.
Bacar assigné à résidence
L’extradition de Mohamed Bacar ne semble pas être pour l’instant à l’ordre du jour des autorités. Le fuyard a déposé une demande d’asile politique en France, et le secrétaire d’Etat à l’Outre-mer Yves Jégo a annoncé jeudi matin que cette demande était à l’étude. « Aujourd’hui, M. Bacar est sous la surveillance de la gendarmerie à Mayotte, les conditions de son assignation à résidence (sur l’île de la Réunion, ndlr) sont en train d’être étudiées pour que nous puissions lui apporter la réponse qu’il attend », a-t-il ajouté.
De son côté, Moroni a demandé le retour de Mohamed Bacar aux Comores pour qu’il puisse y être traduit en justice, mais il n’existe pas d’accord d’extradition entre les Comores et l’ancienne puissance coloniale.
La France est donc placée dans une situation délicate, alors qu’elle avait donné son accord à l’opération « Démocratie aux Comores », lancée mardi à l’aube, et par laquelle l’armée comorienne, appuyée par les troupes de l’UA, avait repris la capitale de l’île d’Anjouan. Paris, qui avait même fourni des moyens de transport de troupes à l’UA, « se réjouit du succès de l’opération militaire », a annoncé jeudi la porte-parole du ministère des Affaires étrangères. L’apparent refus de la France d’extrader Mohamed Bacar est d’autant plus paradoxal que, selon RFO, « les autorités françaises n’ont jamais cessé de renvoyer vers Anjouan des personnes en situation irrégulière, malgré le climat de terreur qui régnait sur l’île ces dernières semaines et les tortures perpétrées par les milices de Mohamed Bacar ».
Reste que la proximité de l’île d’Anjouan avec Mayotte en fait un enjeu important pour la France. D’une part, l’île sous administration française est submergée de clandestins en provenance d’Anjouan. D’autre part, Anjouan est la seule île de l’archipel des Comores à posséder un port hauturier permettant d’accueillir des cargos. Un atout stratégique sur une route commerciale convoitée.