La Guadeloupe est paralysée depuis trois semaines. Les négociations entre le patronat et Liyannaj Kont Pwofitasyon (LKP), le collectif à l’origine de la grève qui bloque l’île, ont été interrompues ce jeudi. Les espoirs d’une sortie de crise ont été balayés, mardi, par le Premier ministre François Fillon.
Vingt trois jours de grève générale et toujours pas de sortie de crise en vue en Guadeloupe. Le mouvement de grève lancé le 20 janvier dernier, dans ce département d’outremer français, par le collectif Liyannaj Kont Pwofitasyon (LKP) ne faiblit pas. Il s’amplifie avec l’entrée en grève, mercredi, des personnels chargés de l’avitaillement pétrolier à l’aéroport international de Pointe-à-Pitre. Les discussions entre ce Collectif et les deux médiateurs désignés par le gouvernement ont même été interrompues ce jeudi, rapporte Le Monde. Principal point d’achoppement des négociations entre les partenaires sociaux : la hausse des bas salaires de 200 euros nets. Les entreprises y sont favorables mais demandent l’aide de l’Etat. Mardi, le Premier ministre, François Fillon, a effacé les espoirs de sortie de crise en rejetant cette idée d’une contribution de l’Etat. « L’Etat ne saurait, à l’évidence, se substituer aux partenaires sociaux dans les responsabilités qui leur reviennent », a-t-il indiqué.
Selon le gouvernement, des réponses ont été annoncées aux 131 autres revendications du LKP. Yves Jégo, le secrétaire d’Etat à l’Outremer, de retour sur l’île, après un départ impromptu, avait annoncé que l’Etat mobilisera, dès cette année, quelque 190 millions d’euros pour apporter une solution à la cherté de la vie. Cette enveloppe devrait servir entre autres à baisser les prix des carburants et de cent produits de premières nécessités, une augmentation des aides à la restauration scolaire, une instauration dès cette année du revenu de solidarité active (RSA)… Mais pas de réponse pour les problèmes des bas salaires.
Le pré-accord entre les partenaires sociaux vole en éclats
Une grande disparité entre la Guadeloupe et la Métropole
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Ce refus du gouvernement « fait voler en éclats le préaccord trouvé entre les partenaires sociaux », estime Willy Angèle, président du Medef de la Guadeloupe. Dans un entretien accordé au Monde, il a déclaré : « je suis surpris (par la réponse de François Fillon, Ndlr). Le problème que nous traitons est grave, il s’agit du différentiel de pouvoir d’achat entre la métropole et la Guadeloupe sur les produits de première nécessité. »
Selon Willy Angèle, cette décision est d’autant plus surprenante que les entreprises guadeloupéennes ne seraient pas en mesure de financer, à elles seules, une augmentation des 41 000 bas salaires de l’île, correspondant à une somme annuelle de 108 millions d’euros. D’après les chiffres de l’organisation patronale, le bénéfice réalisé par toutes les entreprises opérant sur l’île s’établit à 100 millions d’euros par an. « Nous ne pouvons pas faire face à cette situation seuls, nous n’en avons pas les moyens financiers », a-t-il assené dans les pages du quotidien national du soir. Faute d’aide du gouvernement, le LKP devrait revenir à la réalité de l’économie guadeloupéenne, affirme Willy Angèle.
Une opacité totale sur les prix
La réalité pour les Guadeloupéens, c’est une vie extrêmement chère et un pouvoir d’achat très faible. Les produits de première nécessité reviennent en moyenne 30 à 40 % plus chers à l’achat qu’en métropole. Certains produits, comme les pâtes alimentaires, coûtent jusqu’à 75% plus cher qu’en France hexagonale, indique un fonctionnaire interrogé par le quotidien gratuit Metro. Il affirme que même son salaire, majoré d’une prime de 40% en raison de la cherté de la vie, couvre à peine ses besoins.
Selon Jean Matouk, économiste à l’Université de Montpellier, cité par Rue89, la Guadeloupe souffre des caractéristiques d’une économie « îlienne ». Celle-ci, indique-t-il, se traduit souvent par une concentration du système d’approvisionnements entre les mains de quelques importateurs. Et ces derniers maintiennent une opacité totale sur les prix. « Lorsque les prix de gros montent, les prix de détail prennent l’ascenseur, et quand les premiers baissent, ils redescendent par l’escalier », écrit M. Matouk. Conclusion : les prix et la question du pouvoir d’achat sont, plus qu’ailleurs au cœur des revendications sociales dans les îles.
Le mouvement de grève lancé en Guadeloupe le 20 janvier a justement gagné la Martinique depuis une semaine et pourrait s’étendre à La Réunion dès début mars.
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