Grève du sexe, la guerre est déclarée !


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La grève du sexe
La grève du sexe

De Lysistrata au Collectif Sauvons le Togo, la grève du sexe est souvent brandie comme une arme redoutable.

Pas de bras, pas de chocolat ! Ou plutôt pas d’opposition, pas de sexe ! Le dernier pays africain à avoir utilisé l’arme redoutable (ou non ?) du sexe est le Togo. Ainsi, les femmes du Collectif Sauvons le Togo (CST) avaient lancé le 26 août dernier un appel à toutes les Togolaises pour observer durant une semaine une grève du sexe. Pour donner un coup de souffle aux opposants du très contesté président Faure Gnassingbé. Un concept qui ne marche pas systématiquement puisqu’elles ne sont pas encore parvenues à leur fin.

Une idée d’antan

La tactique de l’abstinence sexuelle en signe de rébellion ne date pas d’hier. Nous sommes en l’an 411 avant Jésus-Christ. Le dramaturge Aristophane met en scène Lysistrata, une comédie grecque antique. Alors qu’Athènes et Sparte sont en guerre, la belle athénienne fait preuve de ruse et d’audace. Elle convainc les femmes d’Athènes de déclencher une grève totale du sexe pour que les hommes cessent le combat. L’idée traverse le temps.

En Turquie, dans le petit village de Sirt, les femmes ont obtenu de leurs maris, en 2001, qu’ils réagissent activement après la rupture du vieux conduit amenant l’eau courante pour en reconstruire un nouveau. L’histoire ressemble à celle du film La source des femmes, du réalisateur Radu Mihaileanu (sélection au Festival de Cannes, 2011). Leïla, rôle joué par l’actrice Leïla Bekhti, est témoin de la chute d’une jeune femme enceinte qui en revenant de la source fait une fausse couche. Dès lors, Leïla s’évertuera à persuader les autres femmes du village que la pénible tâche de chercher l’eau à la source dans la montagne revient aux hommes. Et pour arriver à leur fin, elles décident d’entreprendre la grève du sexe. Après un lourd combat, la petite localité dispose finalement d’une installation d’eau courante.

L’Afrique dans tous ses états

La pratique de l’abstinence forcée n’est pas passée inaperçue au Kenya, en 2008. Alors que les violences post-électorales font 1 500 morts, dix associations appellent les Kényanes à adopter la « politique de la braguette fermée » afin de ramener la paix. L’épouse du président Mwai Kibaki et celle de son rival Raila Odinga, aujourd’hui Premier ministre, ont été appelées à suivre le mouvement. Le but était d’amener à la table des négociations le parti au pouvoir et l’opposition. Et pour éviter tout risque de triche, un dédommagement était prévu pour les prostituées qui suspendaient leurs activités.

Au Liberia -pays précurseur de la grève du sexe en Afrique- la militante Leymah Gbowee invite en 2003 ses concitoyennes à « croiser les jambes » jusqu’à ce que le président Charles Taylor, au pouvoir de 1997 à 2003, accepte d’associer les femmes aux pourparlers en cours avec les chefs de guerre. Une action couronnée de succès au point qu’elle fut en 2011 lauréate du Prix Nobel de la paix.

De la Colombie aux Philippines, en passant par l’Espagne ou encore le Soudan, la grève du sexe est de plus en plus utilisée pour protester. Mais certaines femmes voient en ces actions une idée rétrograde, à l’instar de la Sud-Africaine Jen Thorpe, auteure du blog FeministsSA.com, qui a confié au Daily Maverick son inquiétude de voir le sexe utilisé comme arme politique. Rétrograde ou non, Aristophane lui se plaisait à mêler conflits et détails les plus intimes de la vie privée.

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