Dans un contexte de tensions politiques et économiques au sein de l’Angola, le Président Joao Lourenço a accordé une grâce à une cinquantaine de condamnés, dont José Filomeno dos Santos, surnommé « Zenu », fils de l’ancien Président José Eduardo dos Santos. Cette mesure de clémence s’inscrit dans les préparatifs du cinquantenaire de l’indépendance du pays, prévu pour l’année prochaine. Le décret, publié sur les réseaux sociaux de la Présidence, se veut un geste d’unité et de réconciliation, évoquant des valeurs d’harmonie, de clémence, et de fraternité.
La grâce de Zenu : une réconciliation symbolique
José Filomeno dos Santos, aujourd’hui âgé de 46 ans, avait été condamné à cinq ans de prison pour détournement de fonds, en 2021. Son procès faisait partie d’une série de poursuites visant les membres de la famille dos Santos, lancées par le Président Lourenço dans le cadre de sa campagne de lutte contre la corruption, entamée après son accession au pouvoir en 2017. En juillet, la Cour suprême d’Angola avait confirmé cette condamnation, après une annulation préliminaire due à des vices de procédure.
Zenu avait été accusé d’avoir orchestré un transfert illégal de 500 millions de dollars depuis la Banque centrale d’Angola vers un compte à Londres géré par une agence du Crédit Suisse. Ce détournement aurait permis à lui et à ses trois coaccusés de siphonner jusqu’à 1,5 milliard de dollars des fonds publics. Ces accusations ont révélé l’ampleur de la corruption qui a longtemps gangrené le pays, sous le règne de son père, José Eduardo dos Santos, qui a gouverné l’Angola pendant près de quatre décennies.
Une famille accusée de corruption systématique
José Eduardo dos Santos, décédé en 2022, avait dirigé l’Angola d’une main de fer. Il a placé de nombreux membres de sa famille et de son cercle proche à la tête des institutions clés du pays, y compris dans le secteur stratégique du pétrole. Cette concentration de pouvoir a généré une véritable dynastie politique et économique, souvent critiquée pour son manque de transparence et son implication dans des affaires de corruption à grande échelle.
Sous le mandat de Joao Lourenço, l’Angola a lancé une série de réformes visant à combattre cette corruption systémique, et plusieurs membres de la famille dos Santos ont été poursuivis. Si la grâce présidentielle accordée à Zenu peut être interprétée comme un signe d’apaisement, la famille dos Santos considère ces actions comme une « persécution » politique. Le Président Lourenço, en démantelant le réseau de son prédécesseur, a effectivement pris des mesures pour évincer de nombreux alliés de José Eduardo dos Santos des positions de pouvoir, dans un contexte de transition.
Isabel dos Santos : la « princesse » accusée de détournement
L’un des membres les plus emblématiques de cette famille est sans doute Isabel dos Santos, l’aînée des enfants de l’ex-président. Connue sous le surnom de « princesse » et régulièrement citée parmi les femmes les plus riches d’Afrique par le magazine Forbes, Isabel dos Santos a longtemps été la figure dominante de l’économie angolaise, en particulier à travers ses rôles dans le secteur pétrolier. Elle a dirigé la compagnie nationale Sonangol, l’une des entreprises les plus puissantes d’Afrique.
Mais son ascension fulgurante a également été marquée par des accusations de détournement de fonds publics. Isabel dos Santos est accusée d’avoir détourné des milliards de dollars au sein de Sonangol, ainsi que d’autres sociétés publiques. Ces allégations ont attiré l’attention des autorités angolaises et d’organismes internationaux, et plusieurs enquêtes sont en cours à son encontre. La « princesse » a toujours nié ces accusations, mais elle demeure un personnage central de la corruption présumée ayant existé sous le régime de son père.
Déboires judiciaires et tensions politiques
Les affaires judiciaires d’Isabel dos Santos s’inscrivent dans un contexte plus large de remise en cause des anciennes pratiques de gouvernance, qui ont laissé l’Angola avec des dettes colossales et une économie fragile. Depuis l’arrivée au pouvoir de Joao Lourenço, un élan de réformes a été initié, visant à redresser l’économie et à restaurer l’image du pays sur la scène internationale. Toutefois, ces actions se heurtent souvent à une forte résistance, notamment de la part des anciens alliés du régime de dos Santos, qui se sentent persécutés politiquement.
La grâce accordée à José Filomeno dos Santos est donc perçue par certains comme un geste d’ouverture, mais aussi comme un moyen de réparer les fractures laissées par la guerre de pouvoir entre les anciennes et nouvelles élites du pays. L’avenir de la famille dos Santos et les suites des enquêtes judiciaires sur Isabel dos Santos restent encore incertains. Le pays, tout en célébrant son indépendance, continue de se débattre avec les démons du passé, tout en cherchant un nouveau modèle de gouvernance plus transparent et équitable.