À la lumière des résultats des dernières élections, présidentielle et législatives du 30 décembre, en République démocratique du Congo (RDC), confirmés par la Cour constitutionnelle, aucun parti politique n’a obtenu la majorité des suffrages nécessaires à l’Assemblée nationale, soit 251 sièges sur les 500, pour former seul le gouvernement.
Tel que prescrit par la loi fondamentale en son article 78, le Président Tshisekedi, s’il veut se conformer à la Constitution, n’aura pas d’autres choix que de procéder à la désignation d’un informateur qui devra faire l’état des lieux précis de la situation socio-politique post-électorale, d’identifier toutes les forces politiques en présence, en vue de la formation d’une large coalition gouvernementale stable et durable.
Contrairement à ceux qui confondent une plateforme électorale à un parti ou regroupement politique, il est important de rappeler ici que le Front commun pour le Congo (FCC) qui a soutenu Emmanuel Ramazani Shadary, le Cap pour le changement (CACH) de Félix-Antoine Tshisekedi Tshilombo et la coalition (LAMUKA) de Martin Fayulu Madidi, sont des plateformes électorales circonstancielles constituées dans le seul but de soutenir les candidats, dans une campagne électorale pour l’élection présidentielle. Légalement, elles ne sont pas des sujets de droit électoral pour prétendre détenir la majorité parlementaire et revendiquer la formation du gouvernement.
Le président de la République ne devrait pas tomber dans le piège de ceux qui pensent, à tort, qu’il leur revient de facto de proposer le formateur du gouvernement. La désignation d’un informateur est une prérogative constitutionnelle, lorsque les résultats des élections législatives n’ont pas permis de dégager clairement une majorité parlementaire. Le Président Tshisekedi doit donc assumer pleinement ses prérogatives constitutionnelles, en nommant un informateur qui doit identifier une coalition qui a le plus de chance de réussir à faire cohabiter différents courants idéologiques, à établir les bases communes du programme gouvernemental et de la répartition éventuelle des responsabilités ministérielles, proportionnellement au poids politique de chaque composante.
L’informateur aura donc pour mission, non seulement d’identifier les partis politiques susceptibles de constituer une majorité parlementaire nécessaire pour la formation du gouvernement, mais également d’établir dans quelle mesure peut-on dégager une majorité, avec quels partenaires possibles, qui souhaiteraient accompagner le Président Tshisekedi et soutenir son programme d’action. En raison de la délicate et lourde mission qu’aura l’informateur d’explorer les différentes possibilités de parvenir à un accord de gouvernement, en tenant compte des forces politiques en présence, de leurs programmes, mais également des politiques publiques que le chef de l’Etat voudrait voir se réaliser durant son mandat, celui-ci devra pleinement jouir de toute la confiance du président de la République.
C’est pourquoi, pensons-nous que si Félix Tshisekedi veut avoir la main haute sur le futur gouvernement, pour mettre en oeuvre des politiques publiques cohérentes avec la réalité des problèmes auxquels sont confrontées les populations congolaises, et ainsi, tenir ses promesses électorales, il devra faire un choix judicieux du futur informateur. Cet oiseau rare devra être un politicien chevronné, doublé de qualité de bon négociateur agile et expérimenté, rompu à ce genre d’exercice, de façon à rééquilibrer le rapport des forces présentement inégaux entre la famille politique du Président sortant Joseph Kabila, qui est en train de s’affirmer comme une force incontournable sur la scène politique congolaise et la coalition des partis politiques qui avaient soutenu Félix Tshisekedi à l’élection présidentielle.
Nous pensons également qu’il devra être une personnalité réputée pour son honnêteté, son intégrité et son impartialité. Une personnalité ouverte d’esprit, qui inspire confiance et respect, et connait bien les rouages de la politique congolaise et de ses Hommes, pour établir un climat de confiance propice au dialogue et à la concertation en vue de parvenir à un accord du gouvernement.
Comme on peut se l’imaginer, le choix de l’informateur est donc capital pour la suite des choses. Celui-ci aura la mission ardue de déblayer le terrain et de réunir les conditions favorisant le succès possible des futurs pourparlers pour la formation du gouvernement. Car, du succès éventuel de sa mission, à savoir réussir à dégager une bonne coalition, dépendra le choix du formateur du gouvernement.
Tout compte fait, la formation d’une coalition gouvernementale sera un défi énorme à relever pour le Président Tshisekedi. Il devra prendre en considération plusieurs facteurs et veiller notamment à la représentativité proportionnelle au poids de chaque composante, mais également tenir compte des équilibres régionaux, à la représentativité féminine, etc, pour une mise en oeuvre efficace de son programme d’action. Une équation complexe que Félix Tshisekedi est appelé à gérer avec beaucoup de doigté et de tact, car, potentiellement explosive.