Ghana : un modèle de démocratie en perte de vitesse ?


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Nana Akufo-Addo (gauche) et John Mahama (droite)
Nana Akufo-Addo (gauche) et John Mahama (droite)

Au Ghana, trois semaines après la publication des résultats provisoires de l’élection présidentielle qui donnent vainqueur, le Président sortant, Nana Akufo-Addo, son principal challenger, John Dramani Mahama, ne s’avoue toujours pas vaincu. Il a introduit ce mercredi un recours devant la Cour suprême pour demander l’annulation du scrutin. Le virus de la contestation systématique des résultats des élections est-il en train de s’enraciner au Ghana ? 

On s’est peut-être réjoui trop tôt de la tenue sans « incidents majeurs » du scrutin présidentiel du 7 décembre dernier au Ghana. On a peut-être salué trop tôt la réussite de ces opérations électorales. On se souvient qu’au lendemain du vote, les observateurs internationaux ont unanimement félicité les Ghanéens pour le modèle de démocratie qu’ils entretiennent sur un continent et dans une sous-région de plus en plus agités par le démon des élections à problèmes et des lendemains électoraux incertains. Surtout qu’à trois jours du scrutin, les deux principaux challengers, le Président sortant, Nana Akufo-Addo et son prédécesseur, John Dramani Mahama, ont signé un « pacte de paix » pour s’engager à ne pas susciter la violence du déroulement du vote jusqu’à la proclamation des résultats. Démarche exemplaire, cela est sûr.

Seulement, juste après le vote, ces engagements sont très vite tombés dans les oubliettes. Les deux camps se sont mis à échanger des propos virulents, le Congrès National Démocratique (NDC) accusant le Nouveau parti du peuple (NPP) de fraudes. Et bien avant la Commission électorale, chaque camp s’est mis à publier ses propres résultats, revendiquant la victoire. Cependant, dans la soirée du 9 décembre 2020, la Commission électorale proclama les résultats provisoires avec la victoire de Nana Akufo-Addo.

Et la contestation commença dans le camp du NDC qui se dit prêt à épuiser toutes les voies de recours pour revendiquer sa victoire. Le pays connaît alors d’importantes manifestations dont l’aboutissement a été le dépôt par John Dramani Mahama d’un recours en annulation du scrutin devant la Cour suprême du Ghana, ce mercredi 30 décembre 2020. Pour lui, les résultats de cette élection sont « inconstitutionnels, nuls et non avenus ».    

Ce recours est certainement le début d’une bataille juridique qui risque de durer plusieurs mois, un peu comme en 2012 où l’actuel vainqueur, Nana Akufo-Addo, qui se trouvait en position de perdant face au même challenger, avait eu la même démarche. Il avait fallu huit longs mois de procédures et de débats avant que la haute juridiction ne confirme la victoire de John Dramani Mahama et que Nana Akufo-Addo ne se plie devant ce verdict. L’histoire est en train de bégayer, mais dans le sens inverse.

Au sein du NDC, le parti de John Dramani Mahama, les avis sont partagés sur la question du recours. Pour certains ténors du parti, il est inutile de s’engager dans cette bataille juridique qui s’annonce longue et coûteuse ; le mieux serait alors de tourner les regards vers l’avenir.

Dans tous les cas, ces nouvelles contestations entachent sans nul doute le label démocratique dont pouvait se vanter le Ghana où l’alternance à la tête de l’Etat était une réalité depuis le départ de Jerry Rawlings, au terme de ses deux mandats de la période démocratique en 2000. 

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Par Serge Ouitona, historien, journaliste et spécialiste des questions socio-politiques et économiques en Afrique subsaharienne.
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