La judokate Gévrise Emane a signé le 9 septembre dernier son entrée dans la cour des grands en remportant la médaille d’argent, en moins de 70 kg, aux Championnats du monde en Egypte. A 23 ans, la double championne de France en titre participait à ses premiers débats mondiaux où elle a confirmé son énorme potentiel. Elle estime toutefois avoir encore beaucoup à apprendre.
Gévrise Emane, 1,60 m, la grande dame du judo français. L’actuelle double championne de France en moins de 70 kg a pris du galon en devenant, le 9 septembre dernier, vice championne du monde en Egypte. Afrik.com avait interviewée l’athlète d’origine camerounaise avant son départ pour le Caire où elle participait à ses premiers Championnats du monde. Elle revient avec un titre en argent qui vaut, pour elle, tout autant que l’or. Un titre qui lui confère désormais une véritable stature internationale.
Afrik.com : Quelles étaient vos ambitions en abordant vos premiers Championnats du monde ?
Gévrise Emane : J’entendais donner le maximum et me rapprocher le plus possible du podium. Sur le papier, au vu de leur palmarès, il y avait des filles qui étaient dix fois plus fortes que moi. Mais après tout, je me disais que ce n’étaient pas des surfemmes. C’est à l’échauffement que l’on sait si on est bien ou pas, et là je me sentais assez zen.
Afrik.com : Vous n’avez pas eu la pression ?!?
Gévrise Emane : J’ai senti la pression deux jours avant la compétition. Quand on commence à voir arriver les délégations et à croiser nos futures adversaires dans les couloirs. Et puis après les tirages au sort on avait nos tableaux (les filles que l’on va affronter, ndlr). J’avais mal au ventre et je commençais à ne plus avoir d’appétit. Mais le jour J, je n’étais absolument plus stressée. D’ailleurs quand j’ai perdu, je me suis juste dis : « Oh j’ai perdu ma finale », avant de me rendre compte que j’étais tout de même vice championne du monde.
Afrik.com : Que vous inspire le fait que l’on parle de vous comme la révélation du judo français ?
Gévrise Emane : Ça me fait sourire et j’essais de faire en sorte que ça ne m’occupe pas trop l’esprit. Ça me met la pression pour les autres échéances. Les autres combattantes n’auront plus le même regard sur moi. Parallèlement, ce statut me rend plus forte dans ma tête car j’ai pris pleinement conscience de mes capacités. Il est sûr que mentalement je ne serais plus la même en compétition.
Afrik.com : Vous êtes presque au top. Estimez-vous avoir encore une large marge de progression ?
Gévrise Emane : On apprend tous les jours. J’ai beaucoup, non pas à progresser mais à apprendre au niveau technico-tactique pour mieux gérer mes combats. Par ailleurs, il existe toujours une marge de progression sur le plan physique et même mental.
Afrik.com : Quel regard portez-vous sur votre finale ?
Gévrise Emane : J’ai fait une bonne finale, mais je ne peux m’empêcher de trouver cela dommage. Quand j’ai visionné mon combat, je pense que j’aurais dû plus accélérer. J’estime toutefois que je n’ai pas été ridicule. Même si j’ai perdu, pour moi c’est une finale de gagnée. La physionomie du combat est un peu une revanche sur mon quart de finale européen, cette année, contre cette même judokate, Edith Bosh (la Néerlandaise est double championne d’Europe et vice championne olympique en titre. Elle était également médaillée de bronze aux Championnats du monde d’Osaka en 2003, ndlr). Elle m’avait complètement dominée ce jour là et je me suis pris un ippon (prise éliminatoire, ndlr) à 3 secondes de la fin. Or là je ne suis pas tombée une seule fois et j’ai toujours attaqué.
Afrik.com : Avez-vous été émue par certaines réactions suscitées par votre médaille au sein de votre entourage sportif ou familial ?
Gévrise Emane : J’ai été émue de voir mon frère pleurer, de voir les larmes de mon entraîneur Jacky Bicheux qui en avait également perdu la voix.
Afrik.com : Avez-vous conscience d’être plus que jamais un exemple pour la jeunesse ?
Gévrise Emane : C’est dans le regard des enfants que je me rends compte que j’ai fait quelque chose d’énorme. Invitée par la chaîne Canal J, je suis allée remettre des récompenses à de jeunes judokas qui ne savaient pas que je venais. Ils étaient tout fou, ils s’accrochaient à moi. Leurs yeux brillaient d’admiration et d’envie. Beaucoup d’enfants sont surpris quand je leur dis que je suis encore à l’école. Ils me demandent comment j’arrive à concilier les deux. Je leur réponds qu’il ne faut absolument pas négliger l’école, car c’est le meilleur moyen de protéger ses arrières. Il n’y a pas que le sport dans la vie. Une carrière sportive est fragile et personne n’est à l’abri de la blessure.
Afrik.com : Le rôle d’exemple n’est-il pas difficile à assumer ?
Gévrise Emane : C’est parfois gênant, parce que finalement je ne suis qu’une personne comme les autres. Mais j’assume tout à fait ce que je peux représenter pour certains. A ceux là et aux autres, je leur dis à chaque fois qu’il faut bosser et y croire, et que même si ça ne marche pas, ils seront contents de l’avoir fait. Si ça leur permet de croire en ce qu’ils font et à avoir une meilleure estime de soi, c’est pour moi une belle récompense.
Afrik.com : Avec votre médaille, vous devez être assez sollicitée ?
Gévrise Emane : Oui, pour des émissions, des représentations, des remises de récompense. Maintenant, il faut sélectionner, car il ne s’agit pas de tomber dans ce piège médiatique au détriment de nos entraînements. Après tout nous sommes des sportifs.
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