
Getachew Reda entre dans le gouvernement d’Abiy Ahmed, provoquant un séisme politique au Tigré. Sa nomination comme ministre-conseiller pour les affaires de l’Afrique de l’Est est loin de faire l’unanimité. Accusé par certains Tigréens de trahison, salué par d’autres comme un possible artisan de paix, Getachew Reda cristallise les tensions au sein d’un TPLF déjà fracturé.
Le retour sur le devant de la scène de Getachew Reda, cette fois comme ministre-conseiller pour les affaires de l’Afrique de l’Est auprès du Premier ministre éthiopien Abiy Ahmed, suscite une onde de choc au Tigré. Cette nomination, survenue à peine quelques semaines après son éviction de la présidence de l’administration intérimaire de la région, pourrait attiser davantage les tensions entre les factions tigréennes rivales, mettant à mal la fragile paix issue de l’accord de Pretoria. Alors que la région reste hantée par les séquelles du conflit de 2020-2022, la question se pose : cette nomination est-elle un geste de réconciliation ou une provocation qui risque d’embraser à nouveau le Tigré ?
De figure rebelle à ministre : un virage stratégique de Getachew Reda
Ancien porte-parole du TPLF et négociateur clé lors de l’accord de Pretoria, Getachew Reda a longtemps incarné la résistance tigréenne face à Addis-Abeba. Sa nomination au sein du gouvernement fédéral marque un tournant symbolique : celui d’un ex-chef de la rébellion désormais adoubé par le pouvoir central. Pour le Premier ministre Abiy Ahmed, ce choix serait justifié par les « efforts de stabilisation » menés par Getachew au Tigré. Mais pour de nombreux Tigréens, cette alliance nouvelle ne fait que confirmer les soupçons d’accointance avec le pouvoir central, longtemps vu comme oppresseur.
La région du Tigré ne s’est jamais réellement remise de la guerre. Malgré l’accord de paix signé en 2022, les rivalités internes au sein du TPLF se sont accentuées. Deux factions s’opposent désormais : d’un côté, les Forces de défense du Tigré fidèles à Debretsion Gebremichael, et de l’autre, l’administration intérimaire mise en place par Addis-Abeba et dirigée jusqu’en mars dernier par Getachew Reda. Ces tensions ont culminé en mars, avec des affrontements armés à Mekele, capitale tigréenne, réveillant les craintes d’une reprise des hostilités. Dans ce contexte, la promotion de Getachew au gouvernement risque d’être perçue comme un désaveu pour l’autre faction, au lieu d’apaiser les esprits.
Addis-Abeba joue-t-elle la carte de la division ?
Pour nombre d’observateurs, la stratégie du gouvernement fédéral semble claire : affaiblir le TPLF en exacerbant ses divisions internes. En plaçant Getachew Reda dans une position influente à Addis-Abeba, Abiy Ahmed envoie un signal fort. Mais ce pari pourrait s’avérer risqué. Getachew devra désormais collaborer avec des figures gouvernementales réputées pour leur hostilité envers les Tigréens. Et son image de trait d’union avec le pouvoir central pourrait être difficilement défendable face à une population locale toujours traumatisée par le conflit. Loin d’apaiser les tensions, cette manœuvre pourrait bien raviver le ressentiment au Tigré.
La querelle interne tigréenne dépasse les frontières de l’Éthiopie. Le régime érythréen, ennemi historique du TPLF, est soupçonné de soutenir la faction de Debretsion, compliquant davantage le jeu politique régional. Dans cette Corne de l’Afrique fragilisée, le moindre bouleversement politique peut avoir des conséquences géostratégiques. La nomination de Getachew Reda, perçue à Asmara comme un rapprochement avec Abiy Ahmed, pourrait ainsi envenimer les relations déjà tendues entre l’Éthiopie et l’Érythrée.