Georges Oppong Manneh Weah, ancien ballon d’or international 1995 et personnalité-phare de son pays natal, le Libéria, vient de mettre fin aux spéculations en annonçant officiellement le 16 novembre dernier, sa candidature pour les élections présidentielles d’octobre 2005.
« Je vais être candidat à l’élection présidentielle. Je n’ai pas d’autre choix que d’accepter la requête du peuple ». Celui qu’on surnomme affectueusement « Mister Georges » a donc dissipé tous les doutes le 16 novembre en s’exprimant à la radiotélévision publique britannique BBC. Georges Oppong Manneh Weah change donc complètement de cap, et relègue au second plan un palmarès sportif impressionnant (notamment Ballon d’Or International et double Ballon d’Or Africain) en s’immisçant au devant de la scène politique. Mais qui est Mister Georges? Le footballeur de génie? L’ambassadeur charismatique de l’UNICEF ? Ou bien ce nouveau venu en politique? La réponse est simple, Georges Weah est tout à la fois. Récit d’un parcours atypique.
Weah aux pieds d’or
Georges Weah vient de loin : d’une enfance passée à Monrovia, où il est élevé par sa grand-mère avec ses treize frères et sœurs, jusqu’au Ballon d’Or 1995 pour ses exploits dans les plus grands clubs européens. Remarquable ascension. Cent cinquante buts en plus de 300 rencontres. Un record. Avant cette fulgurante réussite, il y a une carrière exponentielle. Au Libéria, il commence à jouer chez les Young Survivors (1984-84), enchaîne avec les Bongrange Bongmine (1984-85), les Mighty Barole (1985-86) et les Invincible Eleven (1986-1987). Au Cameroun, il fera un passage-éclair mais remarqué au Tonnerre Yaoundé (1987-1988). Enfin, c’est le départ pour la France en 1988 où il rejoint l’AS Monaco jusqu’en 1992. La même année, il fait ses débuts au Paris Saint-Germain où il restera 3 ans.
Mais c’est au sein du célèbre club italien du Milan AC qu’il effectuera son passage le plus long (1995- janvier 2000). Il expérimentera aussi l’efficace football anglais à Chelsea (janvier-juin 2000) et Manchester City (juin-octobre 2000). Attaché à la France, il finira honorablement sa carrière de footballeur à l’Olympique de Marseille (octobre 2000).Mais cette succession de clubs ne vaut rien sans l’énumération des titres qui consacrent ce brillant CV sportif : Champion du Cameroun (1988), Champion de France (1994), trois Coupes de France (1991, 93, 95), deux Coupes de la Ligue (France, 1991, 95), deux Championnats d’Italie (1996, 99), une Coupe d’Angleterre (1999), Ballon d’Or international (1995) et double Ballon d’Or africain (1989 et 94), à titre personnel. Une carrière footbalistique à en faire pâlir d’envie plus d’un.
Weah, l’altruiste
Mais Weah c’est aussi l’homme qui prend position pour de nobles et justes causes. Quinze ans après avoir quitté son pays, il est devenu un modèle pour un pays plongé dans une guerre fratricide, qui a fait plus de 150 000 morts entre 1990 et 1997 et contraint plus de la moitié de la population à l’exode. Il sait aussi se montrer généreux : plus d’une fois, il a mis la main à la poche pour payer les dettes de la Fédération libérienne de Football ou pour équiper ses compatriotes et voisins sportifs (Côte-d’Ivoire par exemple).
Fierté nationale mais plus encore que cela, Georges Weah est un véritable symbole international. Il est nommé Ambassadeur itinérant de l’UNICEF (Fonds des Nations unies pour l’enfance) le 7 avril 1997. « Aujourd’hui, un de mes rêves, faire partie de la famille de l’UNICEF, est devenu réalité », déclare Mister George le jour de sa nomination. « Sensibiliser les gens à des questions diverses, le VIH et le SIDA, l’éducation, la santé et la paix », voilà résumée en peu de mots l’action de l’ambassadeur de bonne volonté.
Mister Georges veut devenir « Mister President »
Weah, qui habite habituellement New York (Etats-Unis), s’était toutefois rarement montré à Monrovia jusqu’il y a peu. Mais rien n’enlève aux Libériens l’amour qu’ils portent à leur idole et c’est d’ailleurs à eux qu’il doit sa récente candidature à la présidence. En effet, plusieurs militants de groupe d’opinion, notamment des jeunes gens, veulent qu’Oppong soit Président. Parce que les hommes politiques « ont abandonné les Libériens », explique Sam Dean, directeur de publication du quotidien national Independent. La première voix à s’élever pour demander à Georges Weah d’être candidat a été celle de Redeem Liberia (« Sauver le Libéria »), un groupe de jeunes citoyens qui publie début septembre, un communiqué explicite : « Après plusieurs années de guerre qui ont divisé le peuple, les Libériens ont besoin d’un véritable patriote, d’un ‘humanitaire’ pour délivrer le pays et M. Weah est la seule personne capable de représenter une ‘force unificatrice’ pour secourir le pays et réunifier son peuple ».
La liesse des dizaines de milliers de sympathisants à son arrivée au Libéria, dans la nuit de mercredi à jeudi, témoigne de l’immense notoriété de Weah dans le pays. Concert de klaxons, cris de joie et chants ont salué le convoi, composé d’une centaine de véhicules, de la tête de liste du Liberian National Congress (parti politique formé à l’image du parti de Nelson Mandela). Des slogans pour le moins éloquents étaient aussi de mise : « George Weah est là, les politiciens sont inquiets », « Le choix du peuple », « Les gens éduqués nous ont donné des fusils pour tuer nos frères et soeurs, mais Oppong lui est là pour nous apporter le bonheur qu’on attendait ». La mouvance Weah est donc bien réelle. Tout semble donc sourire à Mister Georges.
La vérité est toute autre. Le pays reste traumatisé par les 14 années de l’exercice du sanguinaire pouvoir de Charles Taylor, chef de guerre aujourd’hui en exil au Nigeria, et par un président intérimaire, Gyude Bryant, que l’on dit manipulé par l’ancien homme fort de Monrovia. Mister Georges se lance donc un véritable défi en s’attelant à cette candidature. Point de vue d’Anthony Nimely, directeur du département de sociologie à l’université de Monrovia : « M. Weah a déjà l’expérience du milieu politique à un niveau peu élevé au sein de la Fédération Libérienne de Football (…) dans ce genre de situation, il y a deux sortes de pouvoir : le pouvoir naturel et le pouvoir politique. Le pouvoir naturel est là à travers le football et, en ce qui concerne le pouvoir politique, il doit faire une transition pour passer au niveau supérieur ». Il ajoute : « En politique, un homme mûr politiquement est souvent dangereux pour la présidence et un novice peut également être dangereux car il est susceptible d’être manipulé. Oppong est entre les deux, donc c’est à lui de faire le reste ». Ainsi, si la question de sa candidature ne se pose plus, une autre, bien plus fondamentale semble émerger : Weah est-il à la hauteur d’une telle responsabilité ? Car malgré tout, ses chances d’être élu, parmi la trentaine de candidats déclarés sont belles et bien réelles.
Par Koceila Bouhanik