Le gouvernement soudanais s’évertue à exterminer les tribus traditionnelles du sud pour imposer sa culture arabo-islamique. Il laisse mourir de faim le peuple Nouba et massacre les habitants. Génocide et guerre civile.
L’armée du gouvernement soudanais s’acharne à éliminer les populations du Sud depuis quarante-cinq ans. C’est donc une guerre raciste et culturelle. Il s’attaque à deux peuples, les Noubas qui vivent au centre du Soudan, et les Chrétiens et animistes du Sud. Les Noubas n’ont aucune défense et aucun dirigeant ou armée pour tenir tête au gouvernement de Khartoum. Ils vivent isolés dans les montagnes. Par contre, le Sud se défend grâce aux forces de l’armée de libération du Sud Soudan de John Garang (SPLA) et au soutien des pays limitrophes, comme l’Ouganda.
L’enclume et le marteau
Pour le cas des Noubas, c’est un génocide par la faim. L’armée islamiste les laisse périr, une technique simple pour les éliminer. Ce peuple, encerclé et attaqué par les troupes gouvernementales du Nord, est abandonné par le Sud sécessionniste. Les Noubas sont pris entre le marteau et l’enclume, entre les raids de l’armée de Béchir et les incursions de John Garang. A ce jour, il reste 300 000 habitants sur 1 200 000 en 1990. Leurs chances de survie sont réduites.
Les troupes gouvernementales détruisent les habitations et mènent les hommes dans des » villages de la paix » où ils sont enrôlés dans l’armée pour combattre leurs frères du Sud. Les femmes et les enfants sont déportés dans la partie Nord du pays et deviennent des esclaves. Les enfants s’occupent des tâches domestiques, gardent les troupeaux, les femmes sont immédiatement excisées et se voient obligées de se prostituer. Les Noubas sont ensuite convertis de force à l’islam. Certains tentent de fuir au Kenya ou dans les pays voisins.
Nettoyage ethnique
Aucun organisme humanitaire n’est implanté dans les montagnes, très difficiles d’accès. » Pour le moment, les aides humanitaires profitent au gouvernement et au SPLA et non à la population civile (Noubas, ndlr). Elles financent la guerre à chaque envoi de ravitaillements. Il faudrait que les organismes humanitaires puissent s’implanter sans l’accord du gouvernement « , explique Gilles Hertzog, directeur de société qui est parti trois jours, à titre personnel, au Soudan.
La tribu Nouba, qui représente 70 peuples différents, survit de la culture des terres arables, essentiellement du sorgho. Isolée dans les montagnes, elle vit de façon primitive, nue et en liberté. Elle jouit d’un patrimoine culturel riche. Ce peuple composé à parts égales d’un tiers de musulmans, de chrétiens et d’animistes, est en voie de disparition. » Les Noubas, ni du Sud ni du Nord, symbolisent ce qu’il y a de pire : ils ont tous les protagonistes sur le dos, excepté le sida. Ils ont le malheur d’être Noirs et d’être en pays islamique. Montrer ce magnifique peuple peut aider à alerter l’opinion publique « , soutient Gilles Hertzog.
Abandonnés par les Dieux et les hommes
En 1980, à cette guerre durable et à ce nettoyage ethnique qui ne dit pas son nom est venu s’ajouter la découverte du pétrole, une richesse naturelle considérable pour le Soudan. Les sites sont implantés au Sud et le gouvernement s’attache à ce que ses habitants n’en profitent pas. Il massacre tous les villages aux alentours des sites d’extraction. » Ces gisements naturels offrent à Khartoum des moyens financiers supplémentaires pour attiser la guerre « , s’insurge Diane Chanel, présidente du comité Soudan.
Ce génocide se passe dans l’indifférence générale. Le Soudan semble être un pays oublié des dieux et des hommes. L’explication se trouve peut-être dans la découverte de plusieurs gisements importants de pétrole. De nombreuses compagnies pétrolières, canadiennes, suisses, chinoises, suédoises, autrichiennes et malaises, y possèdent des concessions. Elles produisent, puis commercialisent le brut soudanais à l’étranger. Mais les Noubas se moquent de la fluctuation du prix du baril. A eux, il coûte très cher.