Génocide rwandais : un célèbre chanteur comparaît devant le TPIR


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Simon Bikindi chantait l’extermination des Tutsis avant et pendant le génocide de 1994. Il est en procès devant le Tribunal pénal international pour le Rwanda, à Arusha, en Tanzanie, où un linguiste a analysé ses textes. Egalement poursuivit pour participation au génocide, il plaide non coupable.

Avec Panapress, Arusha, Tanzanie

Jean de Dieu Karangwa, un linguiste rwandais enseignant à l’Institut national français des langues et civilisations orientales, à Paris, a déclaré mardi devant le Tribunal pénal international pour le Rwanda (TPIR) que les chansons du chanteur Simon Bikindi, en procès devant ce tribunal, véhiculaient un message de haine contre les Tutsis. Simon Bikindi a été arrêté aux Pays-Bas le 12 juillet 2001, puis transféré le 27 mars 2002 au TPIR à Arusha, en Tanzanie, pour incitation au génocide rwandais de 1994 par le biais de ses compositions.

Il est lui-même accusé d’avoir pris part à des tueries, notamment en commune Nyamumba, dans sa province natale de Gisenyi, selon Hirondelle.org. En 2004, le chef additionnel de « persécution à l’égard des Tutsis et des Hutus de l’opposition » a été ajouté à son acte d’accusation. Selon le procureur, le chanteur, fonctionnaire au ministère de la jeunesse et affilié à l’ex parti au pouvoir (MRND), se serait « entendu avec le chef de l’Etat, Juvénal Habyarimana, le ministre de la jeunesse et des sports, (…) le chef des Interahamwe au niveau national, les responsables politiques nationaux du MRND (…) et les chefs militaires affiliés au MRND, tels que Théoneste Bagosora, en vue de militariser l’aile jeunesse du MRND, les Interahamwe, de leur inculquer une idéologie anti-tutsie et de faire de la propagande anti-tutsie ».

Il a plaidé non coupable à deux reprises. En mars 2004, il a même déclaré souhaiter « que la vérité prime sur le mensonge, que l’amour prime sur la haine ». Jean de Dieu Karangwa, cité comme témoin expert, a analysé trois de ses chansons. Il s’agit des titres: « Nous avons dit adieu au régime monarchique », « Moi je déteste ces Hutus… » et « Les Fils du Père du cultivateur », composées avant et pendant le génocide.

« Haine et méfiance »

Selon lui, la première chanson contient « un message de haine et de méfiance » envers les Tutsis associés au régime monarchique. Jouée sur un rythme traditionnel rwandais, la chanson ne mentionne nulle part les termes Hutu ou Tutsi, mais parle tout simplement de Rwandais (Banyarwanda). « Même s’il dit Rwandais, il faut entendre par là qu’il s’adresse aux Hutus », leur rappelant qu’ils doivent éviter à ce que la monarchie tutsie ne soit rétablie, a-t-il expliqué.

Dans la deuxième chanson (« Moi je déteste ces Hutus… »), M. Karangwa a décelé une haine de Simon Bikindi envers une catégorie précise Hutus: « ceux qui ont renié leur identité hutue, ceux qui méprisent d’autres Hutus, ceux qui ne corrigent pas les autres Hutus fautifs, ceux qui s’engagent aux côtés de l’ennemi dans une guerre dont ils ne comprennent pas les tenants et les aboutissants…». « C’est clair, les Hutus qu’il déteste sont les Hutus qui sont en contact avec les Tutsis », a affirmé le professeur.

La troisième chanson, « Les fils du Père des cultivateurs », relate l’histoire d’un homme hutu qui va consulter un devin sur les stratégies à adopter pour vaincre « le revenant » qui attaque le pays depuis l’étranger. Pour le professeur Karangwa, le chanteur appelle ainsi les Hutus à se dresser contre les Tutsis « dans une sorte de légitime défense ».

Ses chansons étaient appréciées sur Radio Milles collines

Les trois chansons de Simon Bikindi ont été jouées dans leur intégralité devant les juges du TPIR et l’accusé lui-même accompagnait de sa tête, par moments, le rythme de ses compositions mises en cause. L’universitaire rwandais poursuit sa déposition mercredi en répondant aux questions de la défense.

Chanteur-compositeur, Simon Bikindi est né le 28 septembre 1954 à Rwerere, dans le nord-ouest du Rwanda. Dès la fin des années 1980, il avait un répertoire très fourni et chantait notamment l’extermination des Tutsi sur les ondes de la Radio Télévision Libre des Mille Collines.

Droits photo : Internews.org

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