Richard Mugenzi, l’espion de l’armée rwandaise, qui avait affirmé avoir intercepté des télégrammes entre combattants tutsis du Front patriotique rwandais (FPR) se félicitant d’avoir tué l’ancien président Juvénal Habyarimana, a déclaré qu’il s’agissait de faux fabriqués par son supérieur à des fins de propagande. La culpabilité de Paul Kagamé, accusé par la justice française d’être à l’origine du génocide de 1994, n’est désormais plus une certitude.
Télégrammes d’assassins. On les avait pris pour des messages radio échangés entre troupes tutsies du Front patriotique rwandais (FPR) de Paul Kagamé, l’actuel président rwandais, exprimant leur satisfaction d’avoir abattu l’avion de Juvénal Habyarimana dont le décès est considéré comme le facteur déclenchant du génocide rwandais de 1994. Les documents, dans lesquels les Hutus sont assimilés à des gorilles, étaient censés avoir été interceptés le 7 avril 1994 par Richard Mugenzi, agent de liaison de l’armée rwandaise et opérateur radio au centre d’écoute de Gisenyi, ville de l’Ouest du pays. Ce dernier avait tout de suite transmis le brûlot à l’état-major hutu de l’armée.
C’était pour beaucoup, à l’instar du journaliste et écrivain français Pierre Péan, auteur du livre controversé Noires fureurs, blancs menteurs, l’élément à l’origine du génocide qui a coûté la vie à plus de 800 000 personnes, principalement des Tutsis. C’était en plus, pour le juge français Jean-Louis Bruguière, la cause de la mort de trois pilotes français qui avaient pris place dans l’avion du président Habyarimana. Ces télégrammes ont été considérés par la justice française comme l’une des preuves irréfutables de l’implication des rebelles du FPR, et surtout de leur chef, Paul Kagamé, dans le génocide rwandais.
Des documents fabriqués de toutes pièces
Il s’avère aujourd’hui que ces documents était des faux. C’est du moins ce qu’a récemment déclaré Richard Mugenzi. Selon l’hebdomadaire français L’Express, l’ancien espion, qui s’était réfugié en République Démocratique du congo (RDC) avant de collaborer pendant plus de dix ans avec le Tribunal pénal international pour le Rwanda (TPIR), a affirmé dans une vidéo filmée par le journaliste écrivain Jean-François Dupaquier, qu’il ne s’agissait que d’un énorme montage à des fins de propagande. A l’en croire, il n’avait intercepté aucun télégramme. Ce serait plutôt son supérieur, le colonel Anatole Nsengiyumva, proche de Théoneste Bagosora considéré comme le cerveau du génocide, qui lui avait fourni les textes. « Je n’ai jamais entendu ces messages, je les ai réceptionnés de mon chef. Ils étaient écrits sur du papier ordinaire et je les ai recopiés », a-t-il déclaré à L’Express. Ce n’était pas la première fois, a-t-il indiqué que de tels faux étaient fabriqués, dans la bataille que l’armée rwandaise d’alors livrait à Paul Kagamé. « Cela faisait partie de la guerre psychologique pour tromper l’ennemi ou élever le moral des troupes. Je trouvais ça normal ».
Ce nouveau témoignage, après la rétractation de plusieurs témoins interrogés par Jean-Louis Bruguière, risque de porter un sérieux coup à la procédure judiciaire lancée contre Paul Kagamé. Semi-retraité, le juge a légué le dossier à son successeur, le magistrat Marc Trévidic. Ces dernières révélations remettent sérieusement en doute la thèse, soutenue par la justice et une partie de la classe politique française, selon laquelle l’actuel chef d’Etat rwandais avait lui-même provoqué le massacre des siens afin de faciliter sa prise de pouvoir à Kigali.
Les regards se tournent aujourd’hui vers les stratèges hutus. « Le président rwandais a-t-il été tué par des extrémistes hutus au moment où il s’apprêtait à appliquer les accords d’Arusha prévoyant le partage du pouvoir avec les rebelles tutsis ?», s’interroge L’Express. La France et le Rwanda n’ont plus de relations diplomatiques, depuis l’émission en 2006 par le juge Bruguière, de mandats d’arrêts internationaux contre des personnalités rwandaises proches du président Kagamé. Nicolas Sarkozy envisage d’organiser l’année prochaine une conférence pour la paix dans les Grands Lacs. Occasion sans doute, si Paul Kagamé acceptait d’y participer, de dissiper quelques malentendus.