Génocide rwandais : la défense de Simbikangwa dénonce « un procès politique »


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Lors de plaidoirie de la défense, au procès de Pascal Simbikangwa, les deux avocats de l’accusé ont demandé l’acquittement de leur client, ce jeudi, à la Cour d’assises de Paris. Ils n’ont cessé de souligner le manque de preuves tangibles de l’accusation à l’encontre de celui qui est poursuivi pour crime contre l’humanité et crime de génocide, au Rwanda en 1994. Ils dénoncent une volonté politique des magistrats de vouloir le condamner.

De notre correspondant à la Cour d’assises de Paris

« Messieurs les jurés, ayez le courage de désobéir », a appelé, en fin de journée, ce jeudi , Maître Epstein, deuxième intervenant de la défense. Il leur a demandé l’acquittement de l’accusé. A sa sortie de l’audience, il a dénoncé un « procès politique dans une Cour d’assises composée de magistrats qui veulent voir condamner Pascal Simbikangwa, en dehors de la logique juridique ».

« Hier, monsieur l’avocat général a demandé la réclusion à perpétuité. Eh bien moi, je vous demande de l’acquitter », déclare solennellement Maître Fabrice Epstein. Usant d’un argumentaire travaillé, jouant avec le verbe pour mieux mettre en valeur la précision de son propos, il appelle finalement les jurés à « désobéir ». « Et si vous ne portez pas de robe, ne vous laissez pas influencer par des magistrats professionnels », déclare-t-il.

L’avocat de l’accusé les incite à dire « non », à la culpabilité de Pascal Simbikangwa, « ce non que disent les grands hommes quand ils ont cessé de rester petit ». Les jurés ne lâchent pas des yeux l’avocat de la défense, impressionnés, comme toute la Cour d’assises cet après-midi de jeudi, devant la verve de Maître Epstein. « La France n’est pas dans le box des accusés », poursuit cet avocat, en référence aux personnes qui voudraient voir Simbikangwa condamné pour exorciser toutes ces années où on a accusé ce pays d’abriter des génocidaires. Les jeunes avocats sont nombreux, debout, au fond de la salle, à être venus contempler le spectacle.

« C’est la même équipe qui viendra pour tous les autres procès »

L’avocat de l’accusé s’élève contre les deux membres du ministère public qui représentent l’accusation. « On vous demande de prononcer un arrêt qui sera la première pierre de l’accusation contre les autres génocidaires ». Une dizaine de procès à l’encontre de Rwandais poursuivis pour crime de génocide est annoncée. Il dénonce l’ « Etat actionnaire » d’une machine à faire des condamnations pour génocide et pointe du doigt le pôle crime contre l’humanité, créé à Paris en 2012, dirigé par la vice-procureur de ce procès, Aurélia Devos. « C’est la même équipe qui viendra pour tous les autres génocides », dit Maître Epstein et il désigne aussi les associations parties civiles et leurs avocats. « La rentabilité, qui passe par des inculpations, est nécessaire à cette entreprise et Pascal Simbikangwa doit être condamné à la hauteur de l’accusation », explique Maître Fabrice Epstein.

C’est bien le doute que les deux avocats de Pascal Simbikangwa tentent d’inculquer à la Cour et aux jurés. Maître Bourgeot n’hésite pas à déclarer: « il ment comme un arracheur de dents », citant un témoin. Le style change radicalement par rapport au réquisitoire. L’avocate de la défense parle sans micro au cours de sa plaidoirie, comme le fera son collègue, d’un ton franc, convaincu. Son intervention est courte. Elle fait même rire le jury.

Maître Epstein : « La réalité, c’est que dans cette audience, on nous a refusé la contradiction »

L’avocate de l’accusé met en exergue la réalité des témoignages mensongers dans nombre de procès de Hutus rwandais poursuivis pour génocide. Elle va ainsi à l’encontre de l’accusation de négationnisme des parties civiles et de l’avocat général, devant la répétition de la mise en cause des témoins par la défense. Elle reconnaît un « travail fastidieux », celui de montrer, un à un, les incohérences, les contradictions et les manques de preuve dans les témoignages de chaque témoin cité dans le dossier. Maître Bourgeot dénonce « la culpabilité de Pascal Simbikangwa (qui) pèse sur les témoignages », mais aussi sur l’accusation et les parties civiles.

Pascal Simbikangwa, justement, qui reste attentif comme il ne l’a jamais été pendant toute la durée de la plaidoirie, sait que son sort se fixe au cours de cette journée. Il est plutôt calme, concentré, quand il arrive le matin en chaise roulante, poussé par les gendarmes qui le font asseoir sur son siège dans le box des accusés. Simbikangwa est paraplégique depuis qu’il a été victime d’un accident de la route en 1986. En début d’après-midi, à la reprise du procès, son visage s’illumine quand l’un de ses avocats l’informe de la présence de trois ses proches dans la salle. Il se retourne, il esquisse un large sourire et un geste de la main à ses compatriotes qui lui répondent de la même manière. Rares signes d’humanité dans ce théâtre froid. Et c’est au tour de l’accusation d’avoir ces petites mimiques, les gestes de négations de la tête, les sourires crispés devant certains arguments énoncés, qui appartenaient à l’accusé, pendant toute cette semaine.

« Quand on a besoin de grossir le trait, c’est que l’on doute »

« Quand on a besoin de grossir le trait, c’est que l’on doute », argue Maître Epstein, quand il dénonce les comparaisons avec le génocide des juifs. Il cite un des experts, Jean-François Dupaquier. Quand Maître Epstein ose remettre en cause sa version des faits sur l’implication de Simbikangwa, lors des interrogatoires, il déclare que l’avocat nie comme certains ont nié le génocide juif. « Pour un petit-fils de déporté, la honte ! », clame alors l’avocat de la défense. Il dénonce alors la comparaison qui a été faite avec la Shoah, « mon histoire », « une histoire binaire entre bon et méchant » et celle du Rwanda, les comparaisons entre Pascal Simbikangwa et Hitler, Himmler ou encore Goring, trois des plus hauts dignitaires de l’Allemagne nazi.

C’est justement ce doute sur lequel insiste l’avocat, « les philosophes des Lumières ont considéré qu’il fallait aux jurés une intime conviction. C’est du 100%, l’intime conviction. (…) Le corollaire de l’intime conviction c’est le doute qui joue pour l’accusé ». Et voilà pourquoi, la défense demande l’acquittement de l’accusé. « Ceux qui prennent les bonnes décisions, de tout temps, c’est ceux qui disent non », déclare finalement Maître Epstein. Sa plaidoirie, qui a surpassé celle de Maître Bourgeot dans son intensité, est qualifiée de « brillante » par l’avocat des parties civiles, Maître Daoud.

A la fin de l’audience, un des trois proches de Pascal Simbikangwa présents dans la salle, en cet après-midi, décrit un procès avec « beaucoup d’enjeux ». « Les procès politiques risquent d’empirer la situation au Rwanda » entre Hutu et Tutsi déclare celui qui a tenu à préciser qu’il était Tutsi. « C’est important que les gens sachent qu’il n’y a pas que des Hutu qui dénoncent ces procès politiques », insiste-t-il. Ainsi donc, un procès politique ? Les trois membres de la Cour, le président et ses deux assesseurs ainsi que les six jurés, ont à délibérer ce vendredi sur la réclusion à perpétuité requise par l’avocat général.

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