Les deux avocats de la CPCR, le collectif des parties civiles pour le Rwanda, sont intervenus, ce mardi matin, au cours de la deuxième journée de plaidoirie des parties civiles. Elles ont fait venir des associations de déportés, une manière de faire pression sur les jurés et un aboutissement dans leur argumentation émaillée par certaines imprécisions.
De notre correspondant à la cour d’assise de Paris
Nouvelle journée de procès de Pascal Simbikangwa à la cour d’assise de Paris. La plaidoirie des deux avocats du Collectif des parties civiles pour le Rwanda (CPCR), association qui poursuit les responsables de génocide et notamment en France, a vu se répéter le même type d’argumentaire que celle des autres associations, qui représentent les victimes anonymes présumés de l’accusé. L’accent a une nouvelle fois été mis sur la comparaison du génocide rwandais avec la Shoah, à l’image des associations de déportés de la Seconde Guerre Mondiale, appelées par les parties civiles.
Philippart : « Les contradictions sont acceptables »
La première avocate a plaider, Maître Domitille Philippart, d’un ton clair et assuré, a ouvert le bal pour les parties civiles. Elle a commencé par dénoncer une des stratégies de la défense, à savoir le « travail de sape vis à vis (des) témoignages » rapportés par certains témoins appelés par l’accusation. Les contradictions n’ont cessé d’être pointé du doigt par les deux avocats de l’accusé. « Les contradictions sont acceptables » rétorque Maître Philippart, elle rappelle le traumatisme « morale » vécut par les survivants de ce génocide qui a 20 ans cette année. « On a pu avoir l’impression de décortiquer des détails et de passer à côté du génocide et de tout le reste » poursuit l’avocate, représentant le CPCR, une association accusée par Pascal Simbikangwa de « corrompre » des faux témoins, d’être des « cultivateurs de preuve ».
Comme la justice ne se rend pas sous le coup de l’émotion, ces « détails » qui vont déterminer le sort de l’ex-capitaine rwandais, risquant la prison à perpétuité, ont d’autant plus d’importance. « Je ne crois pas qu’un seul militaire puisse faire quelque chose à Kiyovu sans que Simbikangwa ne soit au courant » explique Maître Philippart. Elle évoque le quartier de Kigali où vivait l’accusé à l’époque du génocide, ses propos semblent s’écarter de leur précision préliminaire.
La rigueur de la plaidoirie semble encore atteinte quand le discours s’attarde sur la comparaison avec le génocide des juifs pendant la Seconde Guerre Mondiale. Maître Philippart compare ainsi les tas de cadavres aux niveaux des barrières qui filtraient les Tutsis et ceux découvert à la libération du « camp de Buchenwald ». On comprend mieux cet argument après avoir écouté l’annonce faite par Simon Foreman, en préambule de cette deuxième plaidoirie de la matinée.
« L’émotion est d’autant plus grande que des associations de déportés ont tenu à être présent »
« L’émotion est d’autant plus grande que des associations de déportés ont tenu à être présentes » indique l’avocat de la CPCR. Trois survivants des déportations ont fait le déplacement, et notamment Léon Zyguel, dernier rescapé encore en vie du camp de Buchenwald, « quand je suis sorti du camp de Buchenwald on a juré de se battre jusqu’au bout pour la dignité de l’homme », aujourd’hui, il livre une « bataille contre le racisme », justifie-t-il.
Les avocats de la partie civile ont ainsi concrétisé leur stratégie, ce mardi, en faisant venir ces rescapés, une manière aussi de faire pression sur les jurés et sur la cour pour faire apparaître Simon Simbikangwa comme un génocidaire. « On ne rend pas justice avec la colère » a déclaré Simon Foreman, au cours de sa plaidoirie, expliquant qu’il avait pu se laisser emporter au cours d’un témoignage de l’accusé.
Cet avocat des parties civiles se défend, « cette présence symbolique n’a pas été sollicitée, elle montre qu’un génocide n’est pas un crime comme les autres. Il y a une similarité entre le génocide juif, rwandais et arménien ». La secrétaire de l’association française Buchenwald-Dora nous expliquera que ces associations ont été «contacté par un avocat qu’on connaissait », sans vouloir dévoiler son nom.
« Ce mensonge là est central »
La comparaison avec la Shoah est encore utilisée par les parties civiles quand Maître Foreman reprend une parole de l’accusé qui l’a particulièrement marqué : « A Kiyovu près de chez moi, il n’a pas vu un seul mort ». « Ce mensonge là est central » dit-il avant de comparer cette affirmation de l’accusé avec un discours de Himler, un des plus hauts dignitaires nazis, qui déclare que « les morts ne doivent pas avoir existé » en parlant des juifs, et que la vue des tas de cadavres dans des fosses, voir « la mort les a rendu dure », en évoquant les nazis. « Ca ne vous fait pas penser à Simbikangwa ? » interpelle-t-il les jurés.
Il rappelle ensuite les points les plus saillants de l’accusation, sur lesquels Pascal Simbikangwa a eu bien du mal à se défendre, notamment l’affirmation de Pascal Gahamany, un des Tutsis que l’accusé a pourtant secouru. Il affirme, « ceux qui ont sauvé des Tutsis, ce sont des gens qui avaient le pouvoir ». Les avocats des parties civiles ont rappelé les trois témoins venus dire qu’ils avaient reçu des armes de Pascal Simbikangwa. Il aurait aussi participé à la distribution des armes. Les deux avocats ont expliqué à nouveau comment, tous les jours, l’accusé allait au travail, sans voir de corps. « Il n’a vu aucun mort à Kigali, pourtant on a recensé 60 000 morts à Kigali » rétorque Foreman qui continue, « il a, semble-t-il, participé au génocide de son plein gré ».
« A aucun moment, il n’a répondu aux questions avec un petit peu de sincérité »
Il finit son intervention en essayant de disqualifier l’ex-capitaine de la garde présidentielle au yeux des jurés. « A aucun moment, il n’a répondu aux questions avec un petit peu de sincérité ou une once d’humanité » et il précise, pourtant, « il a une part d’humanité en lui ». Ce n’est pas un hasard, pour l’avocat, si Simbikangwa a choisi de s’exiler dans ce pays, à Mayotte. L’accusé précise avoir lu Chateaubriand et Rousseau, et l’a montré en faisant de longues citations au cours du procès. « A aucun moment, on a vu qu’il en a appris quelque chose » réplique Foreman, pour encore plus décrédibiliser Simbikangwa. Et à celui qui se qualifie encore de capitaine, il tonne, « pour moi, ce n’est plus un capitaine, il n’a pas assez d’honneur pour ça ».
La réponse de la défense sera intéressante à écouter, ce jeudi, lors de sa plaidoirie.