Le tribunal administratif de Paris a annoncé, jeudi 14 novembre, son incompétence pour juger de la responsabilité de l’État français dans le génocide des Tutsi survenu au Rwanda en 1994. Cette décision fait suite à une requête déposée par des victimes de la tragédie, visant à établir une complicité présumée de la France dans ce drame historique.
Les plaignants reprochaient à l’État français des décisions et des actions prises entre 1990 et 1994. Ils accusent notamment les autorités de l’époque d’avoir soutenu le régime rwandais qui a orchestré le génocide. Plus de 800 000 personnes, principalement issues de la communauté tutsi, avaient été massacrées en l’espace de trois mois, dans l’une des pires tragédies humanitaires du XXe siècle. Dans sa décision, le tribunal a estimé que les actes reprochés à la France relevaient de ses relations internationales.
Intervention militaire officiellement destinée à protéger les civils
Il a ainsi jugé que ces actes « ne sont pas détachables de la conduite des relations internationales de la France », excluant de fait sa compétence pour se prononcer sur le sujet. Cette position judiciaire met en relief un cadre juridique français qui place les actions diplomatiques hors de la portée des juridictions administratives. En conséquence, il appartient désormais à d’autres instances, nationales ou internationales, de se pencher sur la question si les parties concernées décident de poursuivre leurs démarches.
L’affaire repose sur des éléments controversés du rôle de la France au Rwanda dans les années 1990, notamment l’appui au régime du Président Juvénal Habyarimana et l’opération Turquoise, une intervention militaire officiellement destinée à protéger les civils, mais critiquée pour son soutien implicite au gouvernement rwandais de l’époque. Cette décision intervient dans un contexte où la responsabilité française dans le génocide reste un sujet sensible et divise l’opinion.
Enquête judiciaire approfondie
En 2021, un rapport dirigé par l’historien Vincent Duclert avait conclu à des « responsabilités lourdes et accablantes » de la France dans le génocide, sans pour autant établir une complicité directe. Les avocats des requérants ont exprimé leur déception face à la décision du tribunal. Selon eux, les victimes recherchent avant tout une reconnaissance officielle des erreurs commises par la France dans son soutien au régime rwandais.
Le gouvernement français, tout en reconnaissant certains manquements, a toujours nié toute complicité active dans le génocide. Toutefois, des voix s’élèvent régulièrement pour réclamer une enquête judiciaire approfondie afin de faire toute la lumière sur le rôle de la France. Cette décision du tribunal administratif pourrait inciter les plaignants à se tourner vers d’autres voies juridiques, notamment la Cour européenne des droits de l’homme ou d’autres juridictions internationales, pour tenter d’obtenir justice.