13 ans après les faits, l’ancien commandant rwandais, Bernard Ntuyahaga, a été condamné ce jeudi à 20 ans de prison par la cour d’assises de Bruxelles pour les meurtres de 10 casques bleus en 1994. Ces assassinats avaient provoqué le départ du contingent belge alors sous mandat de l’ONU et ouvert la voie à la barbarie des génocidaires.
L’ancien commandant Bernard Ntuyahaga a toujours clamé son innocence. La cour d’assises de Bruxelles l’a reconnu coupable du meurtre de 10 casques bleus belges en avril 1994. Il a été condamné jeudi à 20 ans de prison. Les 12 jurés ont également reconnu Bernard Ntuyahaga coupable de nombreux meurtres commis durant les deux premiers mois des massacres. Parmi ses victimes rwandaises : des voisins, des habitants de Kigali ou encore son ancienne maîtresse qui tentait de fuir les affrontements. Le procureur avait requis la perpétuité. « Cette peine n’est pas désespérante, mais peut s’inscrire dans une certaine réconciliation de la société rwandaise » a expliqué la présidente du tribunal Karin Gérard. Certaines circonstances atténuantes – ils aurait sauvé des Tutsis par amitié – ont d’ailleurs été retenues.
Des soldats lynchés
Le 7 juin 1994, l’ancien officier rwandais avait commandé l’arrestation des dix paracommandos qui protégeaient le Premier ministre Agathe Uwilingiyimana pour les conduire dans un camp militaire à Kigali. Les soldats alors sous mandat de l’ONU y ont été lynchés. Cet épisode a entraîné le retrait immédiat de tous les militaires belges qui constituaient le contingent le plus important de la Minuar (Mission des Nations Unies pour l’assistance au Rwanda). Un départ qui avait ensuite empêché les Nations unies de contrôler la situation. En 100 jours, le génocide rwandais avait alors fait entre 700 000 et 900 000 morts. D’autres charges lourdes n’ont en revanche pas été retenues. C’est le cas de l’accusation de meurtre de Mme Uwilingiyimana. Le Premier ministre, privée de l’escorte des parachutistes, avait été tuée alors qu’elle se rendait à la radio. Elle voulait lancer un appel à l’unité nationale quelques heures après l’attentat qui coûta la vie au président Juvénal Habyarimana.
13 ans d’attente
Le procès de l’ex-commandant a duré trois mois pendant lesquels 150 témoins se sont présentés à la barre. Après 13 ans d’attente, Marc Uyttendaele, avocat des familles des casques bleus, estime que « ce jugement a permis la « réconciliation » avec les autorités belges, qui « n’avaient pas été à la hauteur durant le génocide. » Bernard Ntuyahaga aurait dû être jugé une première fois en 1999 par le Tribunal pénal international pour le Rwanda (TPIR). Toutes les accusations avaient été alors abandonnées à la demande de la Belgique qui avait lancé dès 1995 un mandat d’arrêt international contre lui. Libéré pour une raison inconnue, il avait pris la fuite avant d’être arrêté en Tanzanie. La Belgique avait alors entamé un bras de fer avec la Rwanda pour obtenir son extradition. Selon la BBC, c’est finalement de son plein gré qu’il se serait rendu aux autorités belges en 2004. Son avocat, qui dénonce un procès politique, a indiqué qu’il se pourvoirait en cassation pour vice de procédure, seul motif recevable pour contester le jugement. La justice belge jugeait M. Ntuyahaga en vertu d’une loi de « compétence universelle » qui permet de juger les auteurs présumés de crimes contre l’humanité à condition qu’il y ait un lien avec la Belgique.
En 2001, deux religieuses, un universitaire et un homme d’affaires avaient déjà été condamnés par les assises de Bruxelles pour leur participation aux massacres de 1994.