Semaine de deuil au Rwanda. Le pays commémore le quinzième anniversaire du massacre d’environ 800 000 Tutsis et Hutus modérés en moins de trois mois. Le 6 avril 1994, le président Juvénal Habyarimana, un hutu, a été tué dans un attentat contre son avion. Cette attaque a déclenché la tragédie dont le pays est à jamais marqué. Si quelques uns des responsables du génocide ont été condamnés par des tribunaux spéciaux, nombre d’entre eux courent encore.
Le 6 avril 1994, dans la soirée, alors qu’il atterrissait à Kigali, la capitale rwandaise, l’avion qui transportait à son bord le président Juvénal Habyarimana (un hutu) et son homologue burundais Cyprien Ntaryamir, est abattu par des missiles sol-air. Au lendemain de cette attaque, démarre un génocide qui tuera environ 800 000 Tutsis et hutus modérés entre avril et juin. Plusieurs années plus tard, le pays en garde encore des séquelles.
« Nous devons continuer à bâtir l’avenir », a lancé le président Paul Kagamé à ses compatriotes ce mardi lors de la cérémonie de commémoration du quinzième anniversaire du génocide. Il inaugurait un nouveau mémorial à Nyanza, une ville hautement symbolique. Des milliers de Tutsis (5 000 environ) ont été massacrés dans cette localité, située à une centaine de kilomètres au sud de Kigali, le 11 avril 1994 après le retrait du contingent belge de la Mission de l’Onu au Rwanda (Minuar) qui assurait leur sécurité. Le président Paul Kagamé a saisi cette occasion pour, une nouvelle fois, accuser la communauté internationale d’avoir failli à sa mission de protection des civils.
Quelque 20 000 personnes, selon l’AFP, ont assisté à cette cérémonie au cours de laquelle une atmosphère de recueillement, sans démonstration publique de tristesse ou de colère, a prévalu.
Des acteurs du génocide échappent toujours à la justice internationale
Quinze ans après ce cauchemar, « ceux qui ont avoué leur rôle et demandé pardon, ont également choisi de regarder devant eux; il y a maintenant des espaces où victimes et bourreaux se rencontrent; là où ceci a lieu, tout est possible », a déclaré le président rwandais à ses concitoyens. Certains commanditaires du génocide ont été condamnés par des tribunaux compétents. En décembre 2008, le Tribunal pénal international pour le Rwanda (TPIR) a condamné à la perpétuité le Colonel Théoneste Bagosora, surnommé « le colonel de l’apocalypse ». Ce Hutu de 67 ans, ancien directeur de cabinet du ministère de la Défense, était considéré comme le « cerveau » des massacres de 1994.
Les responsabilités de plusieurs autres personnes, parmi lesquelles, des proches du président assassiné, ont été reconnues dans cette extermination de Tutsis. Protais Zigiranyirazo, un beau-frère de Juvénal Habyarimana a ainsi écopé de vingt ans de prison.
Si certains des acteurs de ces tueries ont été condamnés, des centaines d’autres échappent toujours à la justice internationale. Ils sont refugiés dans des pays proches comme la République démocratique du Congo, le Kenya… ou en Occident. En Belgique, au Canada ou encore en France, par exemple. Dans l’Hexagone, certains rescapés de cette tragédie ont déposé, en mars 2008, une plainte contre Agathe Habyarimana, la veuve du président assassiné en 1994. Un Collectif des parties civiles constitué par les rescapés et les familles des victimes, estime que l’ex-première dame rwandaise Agathe Habyarimana a contribué « à la planification, à l’organisation et à la direction du génocide ».
Relation tendue entre la France et le Rwanda
En août 2008, Kigali qui a rompu ces relations diplomatiques avec Paris, avait menacé de traduire en justice 33 personnalités françaises. Dans un rapport de 500 pages, les autorités rwandaises ont dénoncé l’implication du gouvernement français dans le génocide. Le document confirmait les responsabilités directes de treize politiciens et vingt militaires français dans ces tueries.
Alors que le Rwanda maintient ses accusations contre la France, cette dernière s’efforce, depuis l’élection de Nicolas Sarkozy, de normaliser ses relations avec le pays des Mille collines. En fin de semaine dernière, la justice française a annulé le mandat d’arrêt qui visait le chef du protocole de la présidence rwandaise, Rose Kabuye. Celle-ci avait été arrêtée le 9 novembre 2008 en Allemagne, puis extradée en France où elle était jusque-là mise en examen pour son rôle présumé dans l’attentat qui a tué le président Juvenal Habyarimana en 1994. Desormais, elle ne sera plus inquiétée par la justice hexagonale.
La France et le Rwanda s’efforcent donc de renouer leur relation diplomatique. C’est dans ce contexte que ce mardi soir, à Kigali, des milliers de bougies devaient être allumées au stade Amahoro en souvenir des victimes du génocide.