Face à l’offensive menée depuis lundi par le camp Ouattara, les militaires et les forces de sécurité qui soutenaient le président sortant de Côte d’Ivoire, Laurent Gbagbo, se sont désolidarisés de lui en moins d’une journée. Alassane Ouattara a décrété un couvre-feu à Abidjan jusqu’à dimanche.
Jeudi noir pour Laurent Gbagbo. Il a subi l’abandon de plusieurs de ses soutiens politiques et militaires. Cela a commencé dans la nuit avec le général Philippe Mangou, chef d’état major des forces pro-Gbagbo qui a trouvé refuge à l’ambassade sud-africaine. D’importantes rumeurs accréditaient Laurent Gbagbo de la même réaction aujourd’hui mais la Radio télévision ivoirienne (RTI), depuis laquelle il devait s’adresser à la nation, a démenti l’information assurant que le président sortant se trouvait « dans sa résidence ».
Charles Blé Goudé fait également l’objet de rumeurs. Le leader des Jeunes Patriotes et ministre de la jeunesse aurait demandé à l’Angola de lui accorder l’asile politique selon Afriscoop, mettant dans l’embarras le président angolais, Eduardo Dos Santos.
Jeudi en fin de journée, c’était au tour des gendarmes et de la police de se détacher du président sortant. L’annonce a été faite par le chef de la mission de l’ONU en Côte d’Ivoire, Choi Young-jin sur France Info. Les pro-Ouattara ont également permis la levée du blocus de l’hôtel du Golf où le camp Ouattara avait élu domicile depuis l’élection du 28 novembre 2010.
Depuis lundi, les forces pro-Ouattara ont mené une offensive éclaire sur la Côte d’Ivoire partant des régions du Nord qu’elles contrôlaient pour atteindre la capitale politique Yamoussoukro mercredi, le port de San Pedro mercredi soir et encercler Abidjan jeudi après-midi.
La sécurité du président sortant n’est désormais assurée que par les forces spéciales qui sécurisent le palais présidentiel et la résidence de Laurent Gbagbo. Alassane Ouattara a cependant promis que « l’intégrité physique » de son rival serait respectée.
Ainsi, l’appel d’Alassane Ouattara au ralliement des pro-Gbagbo dans son camp semble avoir fonctionné. Il les a encouragés jeudi matin à « rejoindre la légalité » des Forces Républicaines de Côte d’Ivoire (FRCI).
L’isolement de Laurent Gbagbo n’est pas seulement militaire, certains de ses alliés politiques chercheraient à quitter le pays. Mamadou Koulibaly, Pierre Kipré, Marcel Gossio auraient été interpellés à l’aéroport en partance pour Dubai, selon la Télévision Côte d’Ivoire (TCI), un média récemment créé par le camp Ouattara.
Isolement diplomatique
En refusant de céder sa place au président élu et reconnu par la commission électorale, Laurent Gbagbo s’est mis la communauté internationale à dos. L’ONU avait reconnu la victoire d’Alassane Ouattara et demandé à Laurent Gbagbo de « respecter le vote des ivoiriens » en quittant le pouvoir. Une résolution a été adoptée à l’unanimité contre lui par le Conseil de sécurité dans la nuit de mardi à mercredi. La résolution, présentée conjointement par la France et le Nigéria, prévoit notamment le gel de leurs avoirs et une interdiction de voyager. Le texte « exhorte » également Laurent Gbagbo « à se retirer immédiatement » au profit de son rival Alassane Ouattara.
L’Union Africaine avait assuré ce dernier de son soutien, non sans mal, puisque certains pays comme l’Afrique du Sud ou l’Ouganda avaient émis des doutes sur les résultats des élections présidentielles ivoiriennes avant de faire machine arrière et de soutenir à leur tour Alassane Ouattara.
Bataille d’Abidjan
En considération des défections, ralliements et autres exils, la crainte d’un grand affrontement urbain dans la capitale économique du pays se dissipe, même si la réaction des militaires, privés de leurs généraux, est encore inconnue. Une cinquantaine de soldats français ont été déployés dans les quartiers des Deux Plateaux et de la Zone 4 et aucun incident n’a eu lieu pour le moment. Les forces françaises présentes sur place évoquent tout de même quelques « scènes de pillages et un vide sécuritaire ». Les détenus de la Maison d’arrêt et de correction d’Abidjan ont été libérés jeudi. L’origine de cette décision est encore incertaine, mais des témoignages publiés sur Abidjan.net rapportent la présence du Commando Invisible au moment des faits.
Depuis l’encerclement d’Abidjan par les forces pro-Ouattara, la pression est montée d’un cran et les réactions internationales se suivent. Amnesty International craint des « violations massives des droits de l’Homme ». Les États-Unis ont appelé les deux camps à « faire de la sécurité des civils leur priorité » et Ban Ki-moon, le secrétaire général de l’ONU, à « éviter toute vengeance ».
Guillaume Soro, le premier ministre du camp Ouattara laisse jusqu’à 19 heures GMT jeudi à Laurent Gbagbo pour démissionner, sinon « on viendra, hélas, le chercher là où il est », a-t-il indiqué.
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