Dans un discours prononcé dimanche, Laurent Gbagbo a légitimé son maintien à la tête de l’Etat ivoirien en s’appuyant sur la Constitution, et non sur le soutien de la communauté internationale. Les Forces nouvelles, qui rejettent le compromis de l’Union africaine et de l’Onu, ont depuis Bouaké proclamé leur chef, Guillaume Soro, Premier ministre.
« C’est pour garantir la mise en œuvre du principe de la continuité de l’Etat, lorsque le déroulement normal des élections est rendu impossible, notamment en cas d’atteinte à l’intégrité du territoire national, que notre Constitution charge le Président de la République de demeurer en fonction ». C’est en ces termes que Laurent Gbagbo a justifié, ce dimanche, dans un discours à la Nation, son maintien au palais présidentiel. Pour avoir refusé de désarmer leurs troupes, « la rébellion et tous les partis qui l’ont soutenue » sont responsables du report des élections prévues le 30 octobre, a poursuivi le chef de l’Etat ivoirien, prétendant se maintenir au pouvoir en vertu de la Constitution « votée par 86% d’Ivoiriens ».
Se faisant, il a relégué au second plan l’arbitrage de l’Union africaine et de l’Onu, qui l’a autorisé à demeurer douze mois encore le chef de l’Etat. Non sans devoirs, puisqu’il est chargé par la Résolution 1633 de l’Onu de nommer un Premier ministre « acceptable par toutes les parties ivoiriennes signataires de l’accord de Linas-Marcoussis » et d’organiser les élections dans les douze mois.
Un mandat contesté par l’opposition
Mais pour la rébellion des Forces Nouvelles (FN), qui contrôle le Nord du pays « le mandat présidentiel de Monsieur Laurent Gbagbo est bel et bien fini le 30 octobre ». Elles ne lui reconnaissent donc « aucun titre de Président de la République de Côte d’Ivoire ». C’est pourquoi elles ont désigné Guillaume Soro, leur secrétaire général, comme Premier ministre du « futur gouvernement de réconciliation nationale ». La rébellion précise dans son communiqué de presse que ce dernier a été mandaté « pour prendre tous les contacts nécessaires avec toutes les formations politiques signataires de l’accord de Linas-Marcoussis en vue de constituer très rapidement, dans les heures à venir, le gouvernement de réconciliation nationale ».
Pour Sidiki Konaté, porte-parole des FN, joint par téléphone, « Guillaume Soro est dans son bon droit ». Il résume la situation à deux belligérants qui se partagent le pays, l’un au Nord, l’autre au Sud, tous deux soutenus massivement par une large partie de la population. Dans la mesure où l’un est maintenu au pouvoir, il lui paraît logique que l’autre soit nommé Premier ministre et qu’ils se partagent le pouvoir, en somme. Pour lui, « Laurent Gbagbo se cache derrière la Constitution » mais l’issue ne peut être que politique. Il estime que ce dernier manipule la population en brandissant « l’argument de la Constitution, qui n’est pas valable car le texte ne répond pas à ce genre de situation ». Ce qui lui fait dire que la décision de la Cedeao (Communauté économique des Etats d’Afrique de l’Ouest), entérinée par l’UA et le Conseil de Sécurité de l’ONU, de maintenir le Président ivoirien comme chef de l’Etat, est un « arrangement politique ».
Alphonse Djédjé Mady, président du directoire du G7 (regroupant l’opposition politique et la rébellion des Forces Nouvelles), joint également par téléphone, n’a pas souhaité réagir. Il attend d’avoir rencontré le président de l’UA, Olusegun Obasanjo, dont la visite est prévue prochainement en Côte d’Ivoire. Concernant la désignation de Guillaume Soro par les FN, il a affirmé ne pas être au courant. Il aurait néanmoins indiqué à l’AFP « que c’était le droit des FN de proposer un nom ».
Par Vitraulle Mboungou