Les chefs d’Etat africains se réunissent dimanche et lundi à Addis Abeba, en Ethiopie. Une rencontre qui a pour thème principal la situation en Côte d’Ivoire. Avant ce sommet, Laurent Gbagbo a renforcé son emprise sur le pays et marqué des points diplomatiques. La position de l’Union africaine (UA) pourrait évoluer en sa faveur.
Alors que les chefs d’Etat africains s’apprêtent à se réunir ce week-end à Addis Abeba (Ethiopie) avec comme sujet principal de discussion la situation en Côte d’Ivoire, Laurent Gbagbo s’active et semble avoir marqué des points dans la bataille qui l’oppose à Alassane Ouattara.
Après avoir très tôt pris position contre Laurent Gbagbo, et suite aux échecs de ses différentes initiatives, l’unité affichée par l’organisation continentale s’effrite. « On lui a envoyé des émissaires, on l’a menacé d’une intervention militaire, et il est toujours là », se réjouissait mercredi un diplomate de Laurent Gbagbo. La Côte d’Ivoire est toujours suspendue de l’organisation mais l’attitude de certain pays membres, dont l’Ouganda et l’Afrique du Sud, face au président sortant a évolué. Il semble qu’au fil des semaines, l’idée même de le chasser du pouvoir ne fasse plus l’unanimité au sein de l’UA.
A l’issue d’une visite surprise à Abidjan, le président en exercice du l’UA, le Malawite Bingu wa Mutharika, sans mentionner Alassane Ouattara qu’il avait pourtant aussi rencontré, a promis de présenter les « propositions » de son « frère et ami » Laurent Gbagbo, lors du sommet de l’UA. Le président de la Guinée-Équatoriale Obiang Nguema, qui a reçu mercredi Marie-Gilbert Aké N’Gbo, le premier ministre de Gbagbo, devrait proposer la création d’une « commission spéciale sur le règlement » de la crise en Côte d’Ivoire, privilégiant « une solution pacifique ». Un virage à 360° pour celui qui au début de mois de janvier avait invité « Gbagbo à céder le pouvoir à Ouattara pour (…) éviter un bain de sang », et qui prendra la présidence de l’UA. Le président sud-africain Jacob Zuma a quant à lui souhaité que l’on étudie « quelque chose d’autre que demander à l’un des deux chefs de partir » alors que son homologue ougandais Yoweri Museveni a plaidé pour « une approche sérieuse concernant l’examen du processus » électoral.
Un sommet à l’issue incertaine
Alassane Ouattara compte toujours un grand nombre de soutiens mais ces dernières déclarations montrent une certaine évolution sur le continent africain. Son Premier ministre, Guillaume Soro, après une halte au dernier sommet de l’UEMOA, était mercredi en visite en Zambie dans le cadre d’une tournée africaine afin de s’assurer des soutiens à son camp.
Laurent Gbagbo a marqué des points diplomatiquement. Il a aussi tenté de renforcer cette semaine son emprise sur la Côte d’Ivoire. Après avoir ordonné mercredi la réquisition des agences ivoiriennes de la Bceao, le gouvernement de Laurent Gbagbo a fait de même jeudi avec le centre de contrôle de la Compagnie ivoirienne d’électricité (CIE). Le centre est « la tour de contrôle indispensable au bon fonctionnement du système et à l’alimentation continue de toute la clientèle ».
Ces réquisitions posent problème au camp Ouattara. « Cette question de réquisition (…) n’est pas anodine. Elle nous prépare un chaos économique sans nom dans ce pays et certainement dans la sous-région », a confié le porte-parole d’Alassane Ouattara. Car si Alassane Ouattara détient désormais le contrôle officiel des comptes de l’Etat ivoirien à la BCEAO, la réquisition de ses agences ivoiriennes l’empêche de le mettre en pratique. Est ainsi contrariée une stratégie d’étouffement économique qui porte peu à peu ses fruits. Alassane Oauttara a appelé dimanche à boycotter pendant un mois les exportations ivoiriennes de cacao pour tenter de contraindre le président sortant Laurent Gbagbo à quitter le pouvoir. Une disposition de plus pour asphyxier son rival. « Il n’y avait pas d’argent dans les caisses de l’Etat ivoirien pour payer la dette publique, y compris honorer le paiement des intérêts d’un emprunt en euros venant à échéance lundi 31», affirme le camp Ouattara.
Les conclusions de cette réunion des chefs d’Etats africains, qui aura pour invité d’honneur le président français Nicolas Sarkozy – qui a accordé son soutien à Alassane Ouattara -, sont très attendus. Le Premier ministre kényan, Raila Odinga, qui assume la médiation, s’est déjà exprimé. Selon lui, «les positions déclarées de l’Union africaine et de la Cédéao ne concernent pas le recours à la force». «Les deux organisations sont attachées à un règlement pacifique de la crise», a-t-il déclaré avant de présenter son rapport au Conseil de paix et de sécurité de l’UA vendredi. Le sommet de l’UA pourrait donc marquer un tournant dans le positionnement de la diplomatie africaine face à la crise ivoirienne.