En Côte d’Ivoire, la diffusion de l’information emprunte de nouveaux circuits. Les blogs et les réseaux sociaux jouent un rôle de plus en plus important, tant dans l’affrontement politique que l’organisation des secours.
Les réseaux sociaux, outils indispensables des contestations et des conflits contemporains ? Après l’Iran, la Tunisie et l’Egypte, en Côte d’Ivoire les « cyber-plateformes », telles Facebook et Twitter, se montrent à leur tour incontournables. Néanmoins, le schéma ivoirien est différent des exemples susnommés où les réseaux sociaux ont surtout joué un rôle dans l’organisation des révoltes populaires. Leur utilisation s’est calquée sur la nature du conflit. Celle d’une crise post-électorale, d’une guerre entre deux camps. Comme dans l’affrontement armé, le Net trouve aussi sont lot de « pro-Ouattara » et de « pro-Gbagbo », selon la terminologie communément admise depuis le début du litige électoral.
« Pote to pote »
Difficile de mesurer l’ampleur du phénomène. Le jour de la proclamation des résultats de l’élection, une blogueuse africaine a recensé jusqu’à 260 comptes Twitter qui informaient les internautes ivoiriens en donnant les résultats provisoires en direct. Mais internet n’est pas encore un « média de masse » en Côte d’Ivoire puisqu’en 2008, seul 3,4 % des Ivoiriens l’utilisaient régulièrement, selon les derniers chiffres disponibles de l’Union Internationale des Télécommunication (UIT). Si le taux de pénétration est relativement faible, « le pote to pote » fonctionne à plein selon l’expression de Diaby Mohammed, un internaute ivoirien très présent sur Twitter. « Ton pote a internet et il te refile les infos », explique-t-il sur son compte.
Outil de campagne
Les deux leaders politiques ont d’ailleurs fait de ces réseaux sociaux des outils de campagne. Laurent Gbagbo et Alassane Ouattara avaient chacun leur page officielle sur Facebook. Le président sortant et son rival leurs sites internet de campagne et un compte pour diffuser des vidéos sur les plateformes le permettant. Après l’utilisation militante et partisane de campagne, les réseaux sociaux ont trouvé une nouvelle utilité début juillet en Côte d’Ivoire quand Laurent Gbagbo, refusant la victoire d’Alassane Ouattara à l’élection présidentielle, a décidé de fermer les frontières et de suspendre la diffusion de médias étrangers. Canal + Horizon, France 24, TV5 Monde et la radio RFI ont été brouillées sur le territoire ivoirien et, dès lors, se sont les sites internet, tel Abidjan.net, et les réseaux sociaux qui sont devenus le premier relai de l’information. Les internautes ivoiriens publiaient des messages donnant l’évolution de la situation dans leurs quartiers. Ils s’informaient via les sites internet des médias censurés pour pouvoir relayer les vidéos de prises de position, de débats et d’interviews sur leur page personnelle, donnant lieu à un mélange informel d’opinions et d’informations et de contenu privé. Cet usage des réseaux sociaux est de nouveau en vigueur depuis le commencement de la bataille d’Abidjan début avril, puisque les journaux ivoiriens ont cessé de paraître et que la Radio Télévision Ivoirienne (RTI), favorable à Laurent Gbagbo n’émet plus de programmes.
SOS Twitter
Lorsque les ONG présentes en Côte d’ivoire ont annoncé le risque d’une catastrophe humanitaire, la riposte sanitaire s’est organisée sur Twitter. Les différents cas de malades, blessés, les personnes en situation de détresse, sans abris ou sans nourriture sont ainsi signalés grâce au mot-clic (ashtag en anglais) #civsocial. « Urgence alimentaire à Port-Bouët. Familles sans repas depuis 3 jours. Contact de confiance sur place Paulin: 01 80 xx xx », signal par exemple un utilisateur pour que des personnes à proximité puisse leur venir en aide. Les informations twittées permettent également aux Abidjanais de prévoir leur déplacement en fonction de l’évolution des combats. « Quartier 2 plateaux Aghien au niveau de la mosquée, on signale des gens avec des lance roquettes », averti Diabymohammed. Enfin, les internautes publient également sur ce compte des informations au sujet des commerces de premières nécessités. « La pharmacie Hibiscus à Marcory est ouverte. Pas de queue. Appelez au 21 26 xx xx. Hélas, Plus de Guiguoz ni Nursie », signale à son tour AhoumaWilliam.
Cette initiative spontanée et solidaire est cependant de plus en plus « polluée » ces derniers jours par des messages très politisés que laissent certains internautes. D’autres mot-clés ont ainsi été créés pour alimenter le débat politique sans détériorer le travail d’assistance bâti par quelques dizaines d’internautes. C’est le cas de #civ2010 ou #civ2011. Mais les discussions restent souvent très stériles ou agressives. Les 140 caractères maximum autorisés sur Twitter ne permettent pas de construire un débat contradictoire de qualité.
Radicalisme
C’est donc davantage sur les blogs ou sur Facebook que le bras de fer politique se joue sur la toile. Les groupes de soutiens à Laurent Gbagbo et Alassane Ouattara se multiplient, un groupe du réseau social cherche à recueillir « un milliard de membres africains pour soutenir Laurent Gbagbo », il n’en est qu’à 48 membres pour l’instant. Un autre prétend avoir trouvé « la solution du conflit : Alassane Ouattara ». Une cinquantaine de membres ont rejoint le groupe « Pour un débat télévisé Gbagbo-Ouattara » et seulement deux membres soutienne une solution plus drastique, « les dégager tous les deux ». Le niveau de tension des discussions sur internet est un bon baromètre de la crise ivoirienne. Depuis l’offensive générale menée par les forces républicaines d’Alassane Ouattara vers Abidjan, les propos aussi se sont radicalisés. Certains encouragent les combattants de leur camp « à ne pas faire de survivants ». Des appels aux meurtres et à la torture sont lisibles sur certains comptes. Un partisan d’Alassane Ouattara demande même aux forces républicaines de « murer le bunker de Laurent Gbagbo et de le laisser sécher ».
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