Gbagbo hausse le ton face aux Etats-Unis et à la presse


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Le camp de Laurent Gbagbo, l’un des deux présidents proclamés de la Côte d’Ivoire, reproche à Washington de soutenir son rival, Alassane Ouattara. Il accuse certains journaux de vouloir déstabiliser le pays et annonce qu’il sera plus ferme envers eux. La Communauté économique des Etats de l’Afrique de l’Ouest (Cédéao) soupçonne l’Afrique du Sud, qui a envoyé un navire de guerre au large d’Abidjan, de soutenir Gbagbo, lequel l’a attaquée en justice ce lundi. Le pays s’enfonce un peu plus dans la crise politique et économique.

Laurent Gbagbo et Alassane Ouattara, les deux présidents proclamés de Côte d’Ivoire poursuivent leur guéguerre postélectorale par institutions interposées. Pendant que, dans l’attente de la nouvelle médiation de l’Union africaine, le pays plonge progressivement dans la crise économique. M. Gbagbo s’en prend à la presse et aux soutiens internationaux de son rival. Celui-ci encourage les sanctions financières internationales prises contre le patron du Front populaire ivoirien (PFI) et continue de jouir d’un soutien appuyé de la Communauté économique des Etats de l’Afrique de l’Ouest (Cédéao).

Dimanche, dans un communiqué lu à la télévision nationale, le porte-parole du gouvernement Gbagbo, Ahoua Don Mello, s’en est pris à l’ambassadeur des Etats-Unis en Côte d’Ivoire, Phillip Carter III, qu’il a accusé « d’ingérence grave et inadmissible » dans les affaires internes de son pays et de « parti-pris flagrant » pour Alassane Ouattara. Au début du mois, le diplomate avait laissé entendre à Washington que Laurent Gbagbo était en train de compromettre ses chances pour un départ honorable et pacifique, accompagné d’une amnistie. Il avait ajouté que l’armée finirait par le lâcher, lorsque les caisses de l’Etat se videraient. «Des propos désobligeants et infondés à l’endroit de Laurent Gbagbo », doublés de «tentatives de déstabilisation » de la Côte d’Ivoire a commenté Ahoua Don Mello. Il a invité Phillip Carter à « mettre un terme à ces ingérences » qui violent les « règles diplomatiques » et sont « de nature à aggraver la crise ». La décision prise par Washington, de reconnaître officiellement l’ambassadeur nommé par Alassane Ouattara, Daouda Diabaté, n’a fait qu’attiser la colère du camp Gbagbo.

Plus de fermeté à l’égard des médias

Certains médias sont également dans la ligne de mire du gouvernement Gbagbo. Lundi, Dié Kacou Eugène, le président du Conseil national de la presse (CNP), l’organe de régulation de la profession, a appris par la télévision nationale qu’il était démis de ses fonctions. Il a été accusé de « complaisance » envers les journaux pro-Ouattara. Le CNP « doit faire en sorte que les journalistes n’écrivent pas des articles de nature à troubler l’ordre public, à déstabiliser les institutions », a expliqué vendredi à l’AFP le ministre de la Communication de Laurent Gbagbo, Gnonzié Ouattara. Evoquant le retrait de l’autorisation d’émettre de la radio Onuci-FM, station de la force onusienne, il a expliqué : « Cette radio est devenue partisane. Nous ne voyons plus pour quelle raison nous devons concéder les fréquences qui lui ont été offertes », ajoutant qu’Onuci-FM s’est mise dans « l’illégalité » en continuant d’émettre malgré l’interdiction. Il a annoncé plus de fermeté à l’égard des médias qui « déstabilisent les institutions ». Cette pression sur les médias a été vivement critiquée par le camp Ouattara et l’Union européenne.

La frégate sud-africaine qui sème la discorde

De son côté, Alassane Ouattara compte poursuivre l’application des mesures économiques prises pour asphyxier financièrement son rival. Dans une récente interview au Financial Times, il a indiqué qu’il allait prolonger pour une durée indéterminée l’interdiction qu’il avait faite fin janvier aux opérateurs de la filière cacao, de continuer leurs exportations. «Si M. Gbagbo se retire, alors bien sûr l’interdiction sera levée. Mais s’il reste, je pense simplement que l’interdiction restera en vigueur», a-t-il déclaré. «Les fèves de cacao peuvent être stockées pendant longtemps. Il est évident que M. Gbagbo sera parti bien avant que les fèves de cacao ne commencent à pourrir», a-t-il expliqué.

La Communauté économique des Etats d’Afrique de l’Ouest lui a renouvelé son soutien, en critiquant la décision prise la semaine dernière par la république Sud-africaine, d’envoyer un navire de guerre au large d’Abidjan. Pour la Cédéao, cette décision constitue un soutien unilatéral au camp Gbagbo, alors que le président de l’Afrique du Sud fait partie du panel des cinq chefs d’Etat mandatés par l’Union africaine pour résoudre la crise ivoirienne par le dialogue. « Il y a un navire de guerre sud-africain à quai en Côte d’Ivoire. Je suis surpris que l’Afrique du Sud puisse envoyer une frégate en Côte d’Ivoire à un moment pareil », a déclaré, à Abuja au Nigeria, le président de la Commission de la Cédéao, l’ambassadeur James Victor Gbeho. « Jusqu’à présent, aucun pays de la CEDEAO n’a déclaré que M. Ouattara n’avait pas gagné. Personne n’a contesté la victoire de M. Ouattara. Tous ceux qui l’ont fait n’appartiennent pas à la région. Si nous poursuivons sur cette lancée, nous allons détruire la solidarité sur notre continent (…) La solidarité qui s’est instaurée entre nous est en train d’être sapée car certains pays se démarquent d’une décision déjà prise. Et cette décision n’a pas été prise à la légère », a-t-il poursuivi. Pour Pretoria, la frégate en question n’a pas été envoyée pour soutenir Laurent Gbagbo, mais pour servir de lieu de discussion en cas de besoin.

D’autre part, Laurent Gbagbo a saisi ce lundi la justice ouest-africaine pour protester contre la décision de la Cédéao qui avait exigé son retrait du pouvoir au profit d’Alassane Ouattara. « Nous avons déposé un recours (…) contre l’autorité des chefs d’Etat et de gouvernements de la Cédéao », a déclaré à des journalistes à Abuja un avocat affirmant représenter M. Gbagbo, Mohamed Faye. Une audience a été fixée au 10 mars par la cour de justice de la Cédéao basée dans la capitale fédérale nigériane, selon l’AFP.

Crise économique et sociale

Pendant ce temps, la situation économique du pays se dégrade rapidement. Les médicaments manquent dans les pharmacies pendant et les coupures d’électricité se multiplient. L’argent se fait rare dans les distributeurs, conséquence du conflit entre le gouvernement Gbagbo et la Banque centrale des Etats d’Afrique de l’Ouest (BCEAO). L’inflation va galopant. A cause des sanctions décidées en janvier par l’Union européenne, la Société nationale d`opérations pétrolières (PETROCI) pourrait fermer d’ici quelques mois sa raffinerie qui produit 80 000 barils par jours. La PETROCI pourrait ne plus être en mesure de fournir du gaz domestique dans les prochains jours.

Sur le front social, la situation n’est pas meilleure. Selon l’Onu, au moins 296 personnes ont été tuées depuis le déclenchement de la crise postélectorale. Quelque 82.000 personnes ont été déplacées à l’intérieur ou à l’extérieur du pays. environ 42 000 sont restées à l’intérieur de la Côte d’Ivoire. Les autres ont fui dans les pays voisins, principalement au Liberia (34 500), au Mali (2585). Près de 1800 Guinéens sont rentrés dans leur pays, tandis qu’un petit nombre de réfugiés a été signalé au Burkina Faso, au Niger, au Bénin et au Togo.
Les cinq chefs d’Etats désignés par l’Union africaine pour trouver une issue à la crise ont jusqu’à fin février pour proposer des solutions « contraignantes ».

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