A travers son nouvel album remarquable, l’artiste a rend hommage aux grands noms de la rumba congolaise
Il a roulé sa bosse dans plusieurs grands orchestres du pays. Tout au long d’une carrière riche en rebondissements, « Chéri Gau » a toujours bien su s’entourer. Il vient encore une fois de le démontrer à travers Héritage 3 S, un disque enregistré à Brazzaville et qui promet un avenir fait de succès. Signe d’une belle renaissance artistique du chanteur dont la voix est toute en nuances.
Natif du Congo-Brazzaville, dans la bouillante commune de Poto-Poto le 18 septembre 1950, Gaulard Nianzi a effectué ses études primaires tour à tour dans la Petite Ecole de Poto-Poto puis à l’école « La Sorbonne » dans la commune de Bacongo. Dès son très jeune âge, il a hérité du don de la musique dans la mesure où son propre père jouait de l’accordéon. C’est aussi depuis l’école primaire que le virus de la musique l’a piqué. Quand ses deux cousins consanguins Jean-Pierre Biyoudi et le célèbre Pamelo Mounk’a composaient des chansons et les chantaient, c’est Gaulard Nianzi qui se chargeait de les retranscrire, faisant tout cela en cachette ; les parents ne devaient pas savoir.
Après son bac en 1969, il s’envola pour la France afin d’entamer des études universitaires en administration sanitaire. A son retour au Congo, il travailla dans la Fonction publique tout en écrivant des chansons qu’il confiait à Jerry Gérard, le guitariste du grand orchestre Les Bantous de la Capitale. Parmi ces œuvres, l’on peut citer Lizi, Na gagner bango et Nkumbi Nzila. Suite à un malentendu à son poste de fonctionnaire en 1973, il décida de devenir musicien à temps plein. C’est alors qu’il intégra le groupe Les Sossa après le départ du chanteur Pierre Moutouari, cofondateur, qui venait de claquer la porte.
Au terme d’une tournée de 3 mois à l’intérieur du pays, Gaulard Nianzi fut sollicité par l’orchestre Rumbaya, connu alors pour avoir eu comme leaders ceux qu’on appelait « les 3 frères » : Michel Boyibanda, Loko Massengo et Youlou Mabiala. Suite au départ de ce dernier, Gaulard intégra Rumbaya. Or, Gaulard Nianzi est aussi le cousin germain de Youlou Mabiala ; les deux artistes continuaient donc à se voir. C’est de la sorte qu’en 1979, quand Youlou Mabiala monta l’orchestre Kamikaze Loningisa, il fit appel à Gaulard : la musique est sa famille et sa famille est musique !
En 1981, « Chéri Gau » retourna en France où il créa très vite « Les officiers de la musique congolaise », ayant pour complices Tchico Tchicaya, Passi Jo et Denis Loubassou. L’orchestre fera la pluie et le beau temps avec des disques comme Ménage à 3, Tabi Mbiengele. Mais tandis que l’un de ses disques fut piraté en France, en Afrique de l’Ouest et aux Etats-Unis, Chéri Gau porta plainte et obtint gain de cause avec l’arrestation du producteur, du distributeur et du fabricant du disque. A partir de ce moment, tous les producteurs commencèrent à le bouder, car il passait désormais « pour celui qui connaissait ses droits ».
Se ressourcer à Brazzaville
Durant les années 90, Gaulard Nianzi accompagna sur scène ou en studio divers artistes, notamment Sam Mangwana, Pierre Moutouari, Loko Massengo, Youlou Mabiala, les Bantous de la Capitale et Africa International de Tabu Ley Rochereau. Cependant, tout au long de sa carrière, un artiste l’aura marqué comme personne d’autre, au point que Chéri Gau le considère comme son idole : il s’agit de Jean-Serge Essous. Leurs dernières retrouvailles eurent lieu en France lorsque Essous le fit chercher afin qu’il chantât avec lui en 2008. A la fin de ce concert, Essous lui confia : « Je te lègue mon œuvre ». Et le maître physiquement diminué ne remontera plus sur scène jusqu’à sa mort le 25 novembre 2009.
C’est ainsi qu’en 2011, pour réaliser le souhait de son maître, Chéri Gau repart se ressourcer à Brazzaville où il s’inspire en revisitant l’œuvre d’Essous, notamment ces quelques titres : Muana sebene, Pobre Tantina, Tantina tata ya muasi, Motingiya, Mama Adèle. Il revient donc sur la scène avec ce nouvel album intitulé Héritage 3 S, dans lequel il imite à merveille la voix de son idole.
Et il n’a pas eu tort non plus en ayant choisi de mentionner en haut de la jaquette du CD : « Le sursaut de la rumba et du rythme afro-cubain de Brazzaville ». Depuis longtemps, on n’avait plus entendu sortir de Brazza un disque et un son aussi réussis. Car si le défi de Gaulard a été d’enregistrer cet opus à Brazzaville même, et joué par des artistes locaux, le résultat est loin d’être décevant. Il a même réussi le coup de force de ressusciter de très beaux souvenirs musicaux de l’époque, grâce à des morceaux comme Julia, Monka, Agol est là, qui ne sont pas sans rappeler ces grands orchestres du pays, Kamikaze Loningisa et Bantous de la Capitale. Le disque est à savourer au plus vite.