Attention aux tatouages temporaires au henné noir. Car certains ajoutent à la poudre végétale, très utilisée en Afrique du Nord, du para-phénylènediamine. Une fois exposée à cette substance très allergisante, la peau peut développer, là où elle a été tatouée, des réactions telles que des « démangeaisons et autres rougeurs ». Une hypersensibilité irréversible.
Les tatouages au henné noir, c’est tendance, joli, mais ça peut coûter cher. Pas pour le portefeuille, mais pour le capital santé. C’est le message que font passer les autorités sanitaires belges à leurs concitoyens. Pourquoi ? Parce que « depuis quelques années, en Belgique et à l’étranger, les dermatologues ont constaté un nombre croissant de réactions allergiques sévères provoquées par des tatouages éphémères au henné contenant de la para-phénylènediamine (PPD) ».
Pour colorer le henné en noir, certains utilisent une pierre noire naturelle, des extraits d’indigo ou encore du café. A ce moment-là, il n’y a pas, ou rarement, d’incidence sur la santé. Toutefois, il arrive que la fameuse poudre végétale soit mélangée à un produit chimique dangereux. Un produit qui peut apparaître « dans les tatouages de henné tout faits que l’on colle sur la peau », souligne Salima, une habilleuse traditionnelle algérienne qui pratique la pose du henné naturel. La substance pointée du doigt est la PPD, « beaucoup moins chère que les produits naturels, qui se trouve partout, tatoue plus rapidement et plus longtemps », indique Martine Mostin, directrice du Centre antipoison de Bruxelles.
Des complications diverses tendant à s’aggraver
Mais qu’est-ce que la PPD ? « C’est un produit chimique toxique très puissant qui peut avoir des conséquences très graves », poursuit Martine Mostin, qui note que son ajout au henné n’est pas systématique. « Les premiers symptômes apparaissent en général lorsque le motif initial du henné s’est pratiquement estompé, quelque deux semaines après son application. Les premières plaintes sont des démangeaisons, une douleur minime ou une sensation de brûlure, une rougeur, une tuméfaction, éventuellement la formation de cloques. Le relief suit souvent exactement le dessin initial. Si l’éruption n’est pas soignée à ce stade, des infections supplémentaires peuvent survenir », précise Karen Neyens, du service de dermatologie de l’Université catholique de Louvain.
La guérison peut prendre plusieurs semaines, et même un an, et laisser des séquelles dermiques : on peut observer « une coloration légère ou foncée » là où le produit a été posé. Pire. Une fois que la peau est sensibilisée à la PPD, elle le reste à vie. « A chaque fois que la peau tatouée sera en contact avec de la PPD ou une substance qui s’y apparente, elle réagira de plus en plus vite et de plus en plus violemment. Il peut même y avoir des crises d’asthme », ajoute Martine Mostin.
Une hypersensibilité à vie
Pourquoi ne pas éviter les produits où la PPD est présente ? Tout simplement parce que ce ne sera pas une tâche facile. Elle se retrouve notamment, dans ces produits : « Caoutchouc, vernis, cuir, fourrures, textiles, teintures capillaires, cirages pour chaussures, plastiques, révélateurs photographiques », énumère Karen Neyens. Elle ajoute qu’il faut éviter « les poignées noires des vélos, des encres d’imprimerie, des bottes (…), des bas nylon ou des pantys noirs ». Autant dire que la vie peut tourner au cauchemar. Et bien plus si la personne sensibilisée à la PPD travaille dans un domaine où elle est exposée de façon récurrente à un facteur qui peut déclencher une allergie (coiffeur, cordonnier,…).
Ce sont ces désagréments qui ont poussé l’Union européenne à interdire l’application de ce produit à même la peau. Sa concentration maximale ne doit d’ailleurs pas excéder 6% dans la composition des teintures pour cheveux. Teintures qui ne doivent pas toucher le cuir chevelu, sous peine d’entraîner les problèmes précités au niveau du crâne.
Des risques dont n’ont pas conscience la plupart de ceux qui vont se faire un tatouage dans leur pays ou à l’étranger. Pour palier le problème, le gouvernement belge indique dans le même communiqué que « des contrôles seront organisés par le Service Inspection du service public fédéral Santé publique, Sécurité de la Chaîne alimentaire et Environnement dans les lieux sensibles » du territoire. « Nos inspecteurs feront des contrôles dans les festivals ou les fêtes. S’ils trouvent des produits à risque, ils les confisqueront, mais nous ne donnerons pas d’amendes. Ce n’est pas notre rôle », explique Inge Jooris. Mieux vaut prévenir que guérir.