Une commission d’enquête parlementaire épingle les conditions de détention préventive au Maroc. Insalubrité, manque d’alimentation, difficultés à joindre les familles, beaucoup d’arbitraire… Un bilan alarmant.
Le constat est sans appel. Les conditions de détention en garde à vue sont désastreuses. Il s’agit de la principale conclusion du rapport de la mission d’investigation menée par la Commission de la justice de la Chambre des représentants dans quatre postes de police à Salé, Rabat et Casablanca. Ce rapport a été discuté mercredi dernier, et pour la troisième fois, en commission. Cette fois, en présence du ministre de la Justice, Mohamed Bouzoubaâ, convoqué pour la circonstance. La mission d’investigation a porté essentiellement sur les conditions de détention en garde à vue et le degré d’application des dispositions du chapitre 66 du code pénal fixant les droits des détenus.
Bien qu’à des niveaux divers, la situation en dit long sur tout l’effort qui reste à mener en matière de respect des droits de l’homme dans les postes de police. «D’autant que les personnes en détention provisoire sont innocentes jusqu’à preuve du contraire. Elles méritent donc d’être traitées en conséquence», a expliqué Mustapha Ramid, président de la commission.
Les résultats de l’enquête à Salé, Rabat et Casablanca
Le poste où le plus de manquements ont été constatés est celui de Salé, où seules quatre cellules de garde à vue sont installées, en plus de deux autres pour les délits. Elles sont toutes réservées aux adultes. «Aux odeurs désagréables émanant de ces cellules, les toilettes étant installées à l’intérieur même des pièces, s’ajoutent le peu, voire l’absence, de conditions de salubrité, de sécurité et d’hygiène. Peu aérées, ces cellules manquent également de voies de secours et d’extincteurs», peut-on lire en substance dans ce rapport.
La réponse des responsables du poste s’est limitée à informer la commission de la construction, en cours, d’un nouveau poste, disposant de toutes les structures nécessaires, dont des salles réservées aux avocats. Malgré les nouvelles dispositions du code pénal, celles-ci font toujours défaut.
A Rabat, la situation n’est guère meilleure. Le poste de police visité à la capitale ne dispose pas de plus de trois grandes cellules installées au sous-sol, juxtaposées et ouvertes les unes sur les autres. Deux sont réservées aux femmes, en surnombre, mais ne leur garantissent aucune intimité. Aucun endroit n’est réservé aux mineurs. Chacune des pièces comprend des toilettes, dans un état jugé désastreux. Elles ont pour seuls équipements des couvertures. Une salle pour les avocats existe, mais elle ne garantit pas la confidentialité de la rencontre avec le détenu.
Les postes de police de Casablanca sont mieux lotis. C’est notamment le cas de celui de la préfecture de police de la ville. Trois cellules de taille moyenne sont réservées aux femmes. Elles disposent de toilettes situées à l’extérieur. Idem pour les huit cellules pour hommes. Toutes disposent de matelas et couvertures. Des espaces pour mineurs sont également prévus. De petites salles sont mises à la disposition des avocats. Mais au poste de la Brigade nationale de police judiciaire (BNPJ), tout reste à faire. 12 cellules individuelles avec matelas et couvertures existent bel et bien, mais elles sont dans un état de délabrement total. De l’aveu même des responsables interrogés, les moyens actuels ne permettent pas à la brigade de s’acquitter de ses missions. Celles-ci vont des crimes financiers et économiques au trafic de drogue en passant par l’émigration clandestine et le terrorisme. Sans oublier le caractère national des actions de la BNPJ.
Alimentation et téléphone
Si tel est le cas dans les deux plus grandes villes du Maroc, que dire du reste, notamment dans les zones rurales et les postes de la Gendarmerie ? D’autant que tous les postes visités peinent à établir le contact entre certains détenus et leurs familles et doivent se «débrouiller» pour assurer leur alimentation. Si le contact est un droit, dans la pratique aucune modalité fixe n’est adoptée. Le législateur ne dit rien sur cela. L’usage du téléphone reste le plus récurrent. Autrement, ce sont les autorités locales, notamment les caïds, qui informent les familles. Le code pénal reste vague sur la question de l’alimentation. Les responsabilités ne sont pas définies.
En attendant, le recours aux associations de bienfaisance et la direction des prisons est devenu la règle.
A rappeler que la mission d’investigation a été effectuée en juin dernier.