Gambie : la Cour suprême accepte d’examiner une requête visant à lever l’interdiction de l’excision


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Excision
Excision (illustration)

Malgré son interdiction en 2015, la pratique de l’excision reste profondément enracinée en Gambie, et revient aujourd’hui au centre d’un débat national houleux. La Cour suprême gambienne a annoncé qu’elle se saisissait d’un recours déposé par un député et plusieurs associations religieuses, qui demandent la dépénalisation de cette pratique controversée.

Cette initiative judiciaire relance un débat déjà explosif dans un pays où, selon l’UNICEF, près de 73% des femmes et filles âgées de 15 à 49 ans ont subi une forme de mutilation génitale féminine (MGF). L’excision, bien que prohibée depuis près d’une décennie, reste donc largement répandue sur le territoire. La loi interdisant les MGF avait été adoptée sous le régime de l’ancien président Yahya Jammeh, qui avait alors justifié cette interdiction par l’absence de fondement religieux dans l’islam.

Un projet de loi pour autoriser à nouveau l’excision

Toutefois, cette mesure législative n’a pas suffi à éradiquer la pratique, et encore moins à faire l’unanimité dans un pays majoritairement musulman. Depuis 2024, les tentatives pour remettre en cause cette interdiction se multiplient. En juillet dernier, le député Almameh Gibba, également à l’origine de la plainte actuellement devant la Cour suprême, avait proposé un projet de loi pour autoriser à nouveau l’excision. Il avançait alors que la loi de 2015 « portait atteinte aux droits des citoyens à exercer leur culture et leur religion ».

Bien que cette proposition ait été rejetée par le Parlement, elle a suscité une onde de choc dans l’opinion publique et accentué les divisions au sein de la société. Des dizaines de femmes, y compris des survivantes de l’excision, se sont rassemblées devant l’Assemblée nationale en signe de protestation. Ces militantes dénoncent une pratique qu’elles considèrent comme une violation grave des droits humains.

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Renforcement des mécanismes de surveillance

Les organisations internationales, telles que les Nations unies, soutiennent ce point de vue. Elles rappellent que les mutilations génitales féminines provoquent non seulement des douleurs extrêmes et des traumatismes psychologiques, mais peuvent également engendrer des complications médicales sévères : infections, hémorragies, stérilité, et problèmes lors de l’accouchement.

Malgré la législation en place, l’application de la loi reste très limitée. Ce n’est qu’en août 2023 que la première condamnation pour excision a été prononcée dans le pays. Ce qui illustre le manque de volonté ou de moyens pour faire respecter l’interdiction. Les défenseurs des droits humains plaident aujourd’hui pour un renforcement des mécanismes de surveillance et de poursuite judiciaire, ainsi qu’un travail de fond sur les causes socioculturelles de la persistance des MGF.

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Consolider les acquis de la législation actuelle

La décision de la Cour suprême d’examiner la plainte remet sur le devant de la scène les tensions entre traditions religieuses ou culturelles et les droits fondamentaux des femmes. Si elle venait à donner raison aux plaignants, cela constituerait un retour en arrière pour les droits des femmes en Gambie, et pourrait également encourager d’autres pays de la région à reconsidérer leurs propres législations.

Pour de nombreux observateurs, la priorité doit désormais être de consolider les acquis de la législation actuelle tout en mettant en place des programmes d’éducation et de sensibilisation, tant dans les écoles que dans les communautés. Les défenseurs des droits des femmes appellent à une approche globale, combinant actions juridiques, éducatives et sociales, pour espérer venir à bout de cette pratique profondément ancrée.

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Très attaché à l’Afrique Centrale que je suis avec une grande attention. L’Afrique Australe ne me laisse pas indifférent et j’y fais d’ailleurs quelques incursions
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