Découvrez le nouvel album de Gage, avec la vidéo de Pardonne moi. Changer Le Monde, son nouvel opus, montre son arrivée à maturité.
Par Olivier Gangemi
1971 : sorti d’une période de doutes, de solitude et de dépression, Marvin Gaye entonne What’s Going On, instantané de l’époque relatant des thèmes aussi sensibles que la lutte pour les droits civiques, la guerre du Vietnam et l’écologie. Cet hymne Soul marque un virage dans la carrière du chanteur qui casse par la même occasion son image de sex-symbol qui lui collait à la peau.
37 ans après, Gage fait à son tour sa ‘révolution dans la continuité’ avec Changer Le Monde, titre de son second album et du morceau d’ouverture de ce nouvel opus. Plus conscient, réfléchi et introspectif, le Canadien prend son destin en main : « Je ne peux pas changer le monde/Tout réinventer/Je sais qu’au fond, c’est à moi de changer ». Emprunt de spiritualité tout au long du disque (comme sur l’optimiste Un Jour à La Foi), le chanteur évoque également ses craintes ‘écolo’, tout en assonance : « La Terre nous fait des siennes et fait signe qu’elle estfragile/Ne l’entendez-vous pas nous dire de réagir/Mais qu’attendons–nous pour nous assagir ».
La Soul du soliste d’origine haïtienne et jamaïcaine est toujours insulaire, entre rythmes caribéens (l’irrésistible Doudou, aussi entraînant que sensuel, et sa mélodie de guitare évoquant le Shape Of My Heart de Sting) et reggae (le léger Ailleurs, le plus lourd Sous Les Etoiles). Mais Gage, qui reprenait à l’envie et avec brio les classiques de la musique noire américaine des 70’s et des 80’s durant sa précédente tournée, s’offre ici une bande-son idoine, idéale pour s’émanciper et sortir de l’ombre tutélaire de Corneille, co-auteur et producteur de Soul Rebel, premier album certifié or, sorti en 2005. Via un thème universel, il évoque en filigrane l’amitié et la séparation sur Mon Frère, entre gratitude et reproches (« Comment t’as oublié/Tout ce qu’on a fait ensemble/Pourtant on venait de loin »). Si le constat est sans concession, l’espoir reste toutefois de mise (« On se reverra/Car je ne t’oublierai pas »). Tout aussi intimiste, T’Etais Où, seconde salve à l’encontre de ce père toujours absent, se veut plus vindica tif que le précédent Viens Me Voir.
Inspiré par son expérience scénique au contact du Rimshot Crew, tout autant que par son goût pour la Soul du passé (Marvin Gaye, Stevie Wonder, Donny Hathaway) et du présent (Amy Winehouse), Gage navigue entre sonoritées traditionnelles et modernes, avec un parti pri organique évident. Le chanteur discret et timide des débuts, révélé sur les ondes radiophoniques et télévisuelles grâce à des hits imparables (Trop Fresh, Pense à Moi) a fait place à un interprète mature, confirmé et chevronné. Sûr de sa force, il n’hésite pas à jouer au funanbule sur sa corde sensible, se sublimant sur la ballade bluesy Dimanche, relatant le vide post-séparation tout comme sur le premier single mélodieux Pardonne-Moi, et ce minimaliste et poignant Je Veux Etre Libre, sur le non-renoncement de soi. Dans la pure tradition Motown, Tu Peux Choisir, duo avec Vitaa – seule invitée du disque – est un clin d’oeil évident au glorieux couple soulful Tammi Terrell-Marvin Gaye et le point d’orgue d’un album classieux et raffiné. D’avantage investi dans l’écriture et la réalisation de Changer Le Monde, servi par de brillantes productions et nous gratifiant d’une interprétation exemplaire, le Montréalais négocie avec brio le tournant du tant redouté deuxième album.