La toute jeune Fédération des journalistes africains, née en novembre 2007 au Nigeria, a été ralliée fin mars par les syndicats de journalistes nord-africains. Afrik.com en a profité pour joindre à Dakar l’un des responsables de l’organisation, Gabriel Baglo, pour s’entretenir avec lui des conditions de travail des professionnels de l’information en Afrique : rédactions sans le sou, journalistes sous-payés, lois liberticides… Autant d’obstacles à une information de qualité produite par et pour l’Afrique.
Le 21 mars naissait l’Association nord-africaine des syndicats de journalistes. « Il s’agit d’une excellente nouvelle », s’était réjoui Jim Boumelha, le président de la Fédération internationale des journalistes (FIJ). « La FIJ est parvenue à compléter la composition de son organisation sur le continent. » Cette organisation, c’est la Fédération des journalistes africains, créée en novembre dernier à Abuja, au Nigeria, à l’occasion du Congrès des journalistes africains. La fédération comprenait alors tous les syndicats et associations de journalistes membres de la FIJ et réunis au sein d’organisations régionales représentant l’ouest, l’est, le sud et le centre du continent. Ne restait que l’Afrique du Nord pour achever le réseau. C’est désormais chose faite, et les journalistes africains vont enfin pouvoir parler d’une seule voix à leurs employeurs, ainsi qu’aux régimes sous lesquels ils exercent, parfois de façon chaotique, leur profession.
Afrik.com : Dans quel contexte la Fédération des journalistes africains a-t-elle été créée ?
Gabriel Baglo : La Fédération des journalistes africains a été lancée à Abuja en novembre dernier, mais pour l’instant elle n’a pas de siège, les statuts restent à définir, mais elle est représentée à Dakar par le bureau Afrique de la Fédération internationale des journalistes (FIJ), dont elle constitue l’organisation régionale, et à Abuja par l’Union des journalistes du Nigeria. La création de la Fédération des journalistes africains correspond à une période, amorcée depuis quelques années, où l’Afrique s’organise. Au niveau politique, on a vu en 2000 la naissance de l’Union africaine. Aujourd’hui c’est au tour de la société civile : les journalistes s’organisent en créant des syndicats, des associations. Et cette fédération, au niveau continental, va permettre aux journalistes africains d’avoir des repères, et aux syndicats de se conformer à des standards communs : conventions collectives, lois, etc.
Afrik.com : Quels sont les principaux chevaux de bataille des syndicats de journalistes en Afrique ?
Gabriel Baglo : Les médias africains sont confrontés à de grands défis, qui concernent l’éthique, la formation, les conditions de travail des journalistes… Avec toujours en vue de fournir une information de qualité. Aujourd’hui, ce sont les médias occidentaux qui informent les Africains sur l’actualité de leur continent ! Par exemple, quand il s’agit de couvrir une manifestation, le journaliste africain n’est pas assuré ; pour des élections dans un autre pays que le sien, il est confronté à des problèmes de transport… Si bien que seuls les journalistes occidentaux ont les moyens de couvrir les grands événements africains. Si l’on ne s’organise pas, si l’on n’encourage pas l’installation et le développement en Afrique des entreprises de presse, si l’on ne pousse pas les gouvernements à mettre en place des technologies de l’information adaptées, des cadres législatifs favorables au développement de la presse, cela ne changera pas.
Afrik.com : Quelles sont les priorités pour améliorer les conditions de travail des journalistes ?
Gabriel Baglo : La question du salaire n’est pas tout, mais dans certains pays africains, des journalistes sont payés 14.000 francs CFA par mois (environ 20 euros, ndlr) ! Comment faire un travail de qualité dans ces conditions ? Alors c’est vrai que la situation économique de la presse africaine n’est pas reluisante, mais aujourd’hui il existe des médias puissants qui s’installent au Kenya, en Afrique du Sud… Notre mission est de faire en sorte que les gens qui travaillent pour ces médias ne soient pas exploités. De même, les médias de service public sont très puissants en Afrique : nous devons donc négocier autant avec le privé qu’avec le public. L’amélioration des conditions de travail des journalistes passera par l’établissement de conventions collectives.
Afrik.com : La liberté de la presse est-elle également au cœur des actions de la Fédération des journalistes africains ?
Gabriel Baglo : Oui, nous menons de nombreuses campagnes pour la libération des journalistes emprisonnés – et il y en a beaucoup en Afrique –, et pour la dépénalisation des délits de presse. Nous voulons qu’il n’y ait plus de lois qui envoient les journalistes en prison pour de simples délits. Et que l’impunité ne soit plus de mise dans les cas de disparition de journalistes.
Le site de la FIJ Afrique
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