Au Gabon, une coalition inédite de figures politiques, autrefois rivales, a lancé un appel fort à l’adresse des autorités de la transition militaire en place. Lors d’une conférence de presse conjointe, ces opposants ont exprimé leurs préoccupations concernant le processus électoral à venir et ont exigé le retrait des militaires du calendrier électoral. Leur objectif est de garantir que les élections de fin de transition se déroulent sous le contrôle exclusif de civils.
L’opposition unie contre les militaires
Les quatre leaders politiques gabonais, Albert Ondo Ossa, Alain-Claude Bilie-By-Nze, Pierre-Claver Maganga Moussavou et Ali Akbar Onanga Y’Obégué, ont exprimé leur désaveu à l’égard des autorités militaires dirigées par le général Brice Clotaire Oligui Nguema. Lors de cette conférence, ils ont dénoncé ce qu’ils considèrent comme une confiscation du processus électoral par les militaires. L’ancien ministre Ali Akbar Onanga Y’Obégué a tenu à souligner que cette initiative n’était ni une nouvelle organisation politique ni une alliance, mais plutôt une action ponctuelle pour protester contre des décisions unilatérales des autorités militaires.
Ils ont formulé plusieurs revendications clés, dont le retour des militaires dans les casernes à la fin de la transition et leur interdiction de participer aux élections. Leur autre exigence majeure est de revenir à la Constitution de 1991, qu’ils jugent plus légitime que la version modifiée adoptée par référendum en novembre 2023. Ces leaders appellent également à une refonte du Code électoral qu’ils jugent trop opaque, et à la mobilisation populaire pour une transition démocratique et pacifique.
Des critiques acerbes envers la transition militaire
L’un des points saillants de la conférence a été la critique acerbe du général Oligui Nguema, actuellement à la tête du gouvernement de transition après le coup d’État d’août 2023. Albert Ondo Ossa, ancien candidat à la Présidentielle, n’a pas hésité à déclarer que le général « ne pourrait jamais obtenir 5% des voix dans une élection », remettant ainsi en cause sa légitimité. Il a affirmé avoir en sa possession les résultats de l’élection d’août 2023, déclarant que ces résultats prouvaient son propre succès dans le scrutin. Ondo Ossa a lancé un appel au « sursaut de patriotisme » pour que le Gabon retrouve un gouvernement élu démocratiquement.
Son ancien adversaire, Alain-Claude Bilie-By-Nze, a également pris la parole pour dénoncer ce qu’il considère comme une dérive de la transition militaire. Selon lui, le Comité pour la transition et la restauration des institutions (CTRI) ne peut plus se maintenir uniquement sur une opposition à l’ex-Président Ali Bongo ou à son Parti démocratique gabonais (PDG). Bilie-By-Nze a ajouté que le Gabon ne devait pas devenir un « laboratoire pour tester le coup d’État politiquement correct », non sans souligner la nécessité de remettre le pouvoir entre les mains des civils.
Le respect des engagements de la transition
Pierre-Claver Maganga Moussavou, ancien Vice-président du Gabon, a rappelé au général Oligui Nguema son engagement à restituer le pouvoir aux civils à la fin de la transition. Il a insisté sur le fait que le coup d’État du 30 août 2023 ne devait pas être considéré comme une victoire militaire, soulignant qu’il n’y avait pas eu de « gloire » dans cet acte. Maganga Moussavou a également insisté sur l’importance de respecter les engagements pris par la junte, afin que le Gabon puisse retrouver une gouvernance démocratique.
Cette montée au créneau des leaders de l’opposition intervient alors que le projet de Code électoral, tant décrié par ces mêmes opposants, doit être débattu au Parlement de transition à partir du 9 janvier. Les discussions autour de ce projet risquent de devenir un point de tension supplémentaire entre les autorités militaires et l’opposition politique, qui réclament plus de transparence et d’équité dans le processus électoral.
Réactions et tensions grandissantes
La prise de position de l’opposition a suscité une réaction du Cercle de réflexion populaire sur la transition, un groupe pro-junte dirigé par Eric Simon Zue. Ce dernier a estimé que les opposants devraient reconnaître que leur liberté actuelle est due à l’action du général Oligui Nguema, et que ce dernier a tout à fait le droit de se présenter en tant que citoyen libre aux élections. Cette déclaration semble attiser davantage les tensions politiques au Gabon, où le débat sur la transition militaire continue de diviser la société.
Pour l’instant, le palais présidentiel n’a pas réagi officiellement aux accusations des leaders de l’opposition. Cependant, les tensions politiques risquent d’augmenter à mesure que la date des élections approche, et que le peuple gabonais attend des signaux clairs sur la direction que prendra le pays après la transition militaire.