La Cour constitutionnelle gabonaise recevra jusque ce samedi les recours des candidats de l’opposition, sur les fraudes constatées lors de l’élection présidentielle d’août dernier. Elle disposera ensuite d’un délai d’un mois pour rendre sa décision. La procédure a peu de chances d’aboutir, à croire les critiques sur la personne de la présidente de la Cour, mais les candidats n’entendent pas désarmer pour autant. L’opposant André Mba Obame, quant à lui, semble déjà regarder vers les échéances futures.
« Pourquoi faire deux poids, deux mesures ? », interroge André Mba Obame, ancien ministre de l’Intérieur et candidat indépendant à l’élection présidentielle, sur lemonde.fr. Comparé à la « fermeté qu’on a connu en ce qui concerne les élections en Iran », la France est selon lui bien silencieuse sur les élections gabonaises. « Le temps passe, mais les habitudes restent », ajoute-t-il, en référence aux méthodes douteuses de la Françafrique.
Les trois jours de ville morte prônés par le front de contestation du scrutin n’ont pas remporté un large succès, mais Franck Nguéma, assistant du candidat d’opposition André Mba Obame, s’en déclare toutefois satisfait. Selon lui, les fonctionnaires ont largement suivi le mouvement, mais le privé n’a pu se mobiliser de la même façon, « en raison de difficultés causées par le droit du travail ». D’autres actions sociales sont « en cours d’élaboration » et devraient être annoncées dans les prochains jours.
La priorité reste pour l’instant pour les candidats de l’opposition de déposer chacun leur recours devant la Cour constitutionnelle, le front commun des candidats ne pouvant le faire de manière collective. La date limite est fixée à ce samedi, et la Cour disposera ensuite d’un mois pour statuer. Les preuves de fraudes, déposées par les différents candidats prennent la forme d’une comparaison entre les procès-verbaux signés par les candidats et ceux fournis par la Commission électorale nationale autonome et permanente (Cénap), chargée du décompte des voix. La Cour devra fournir les documents concernant les nombreux bureaux litigieux au Parti démocratique gabonais (PDG) d’Ali Bongo pour lui permettre de répondre, avant de recueillir un dernier commentaire de la part des plaignants et de rendre sa décision.
La Cour constitutionnelle sujette à caution
La présidente de la Cour constitutionnelle, Marie-Madeleine Mborantsuo, a fait l’objet de nombreuses critiques quant à son objectivité. Thomas Ibinga, porte-parole du candidat d’opposition Pierre Mamboundou, a par exemple affirmé le 11 septembre qu’en tant que belle-mère d’Ali Bongo, il est difficile à Mborantsuo de « juger de manière indépendante ». Franck Nguéma déclare malgré cela que son candidat, André Mba Obame, « refuse d’entrer dans une polémique stérile » et choisit de faire confiance à la justice constitutionnelle. Il critique toutefois l’annonce « irréaliste » d’Ali Bongo, qui prévoit d’être investi à la tête de l’Etat lundi 21 septembre, car la Cour constitutionnelle n’aura pas eu le temps de rendre son jugement. Sébastien Ntoutoume, porte-parole d’Ali Bongo, précise que celui-ci attendra que la Cour en ait fini avec les recours des « candidats malheureux » pour prendre officiellement la tête du pays. Si les chances que les recours aboutissent sont effectivement faibles, l’investiture sera probablement au moins décalée au mois d’octobre, puisque les plaignants disposeront de dix jours pour rendre leur dernier commentaire.
Sans vouloir commenter la procédure de contestation, Sébastien Ntoutoume se « satisfait » pour Ali Bongo d’un retour à la légalité de l’opposition, « un peu en retard » après les « violences » qu’il lui attribue à Libreville et Port-Gentil. Les candidats de l’opposition ont unanimement et à plusieurs reprises contesté ces accusations. Thomas Ibinga nous expliquait ainsi que Pierre Mamboundou se trouvait avec d’autres leaders de l’opposition dans un sit-in pacifique devant la Cénap au moment de la proclamation des résultats, qui a coïncidé avec le déclenchement des émeutes, qu’il pense avoir été spontanées.
Il est à noter que l’ancien ministre de l’Intérieur, André Mba Obame, actuellement réfugié à l’ambassade du Cameroun, ne souhaite pas produire ses propres résultats, contrairement à Pierre Mamboundou. « C’est notre parole contre la leur, cela ne sert à rien », déclare son porte-parole. Franck Nguéma regarde d’ailleurs déjà vers l’avenir : « M. Mba Obame a 52 ans, il est jeune et compte rester un homme politique de premier plan au Gabon ». Plus qu’une alliance avec Ali Bongo, qu’il appelait encore son « frère » en juillet, c’est déjà aux prochaines élections que pense M. Mba Obame.