Gabon : l’Exécutif exclut fermement la pénalisation de l’homosexualité


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Le Président du Gabon, Ali Bongo Ondimba
Le Président du Gabon, Ali Bongo Ondimba

En 2019, il avait suffi de l’ajout discret d’un alinéa dans le code pénal gabonais pour rendre illégale l’homosexualité au Gabon. Fin juin, cette novation juridique était supprimée, rendant aux Gabonais la liberté dans leur vie privée, selon un principe de droit fondamental qui n’avait jamais été remis en cause jusque là.  Et c’est avec brutalité que le gouvernement a imposé son coup de torchon juridique au Code Pénal, prenant même « de court »… Les recours à la Cour constitutionnelle!

La loi portant, notamment, la disposition supprimant la pénalisation de l’homosexualité, qui a été adoptée par la Chambre basse du Parlement gabonais, le 23 juin, entérinée le 29 juin par le Sénat, et promulguée le lendemain, c’est-à-dire le 30 juin 2020, a fait quelques remous dans le pays d’Ali Bongo. En effet, le 28 juillet dernier, la Cour constitutionnelle gabonaise a rejeté tous les recours introduits par différents associations, partis politiques et leaders religieux pour qui cette loi constitue une violation des us et coutumes, des valeurs ancestrales gabonaises. Au motif que ces recours lui ont été adressés hors délai.

Ce qui a obligé Jean Donga, président du collectif dénommé « Reconstruisons le Gabon autrement », auteur d’un recours, à faire, hier mercredi, une sortie médiatique pour exprimer sa profonde déception : « Nous avons expliqué à la Cour que, après avoir voté au niveau de l’Assemblée nationale et du Sénat le 29 juin, le 30 juin, on nous fait savoir que cette loi est promulguée par le président de la République. Ça veut dire qu’il n’y a plus de recours ! Le 1er juillet, nous avons saisi la Cour, qui dit que notre saisine est irrecevable ». Et de fait, la Cour Constitutionnelle statue en l’espèce selon le droit… Retour sur le déroulé des événements… 

La façon dont l’exécutif gabonais a géré la procédure d’adoption de cette loi, depuis le début, est marquée par une fermeté délibérée, puisqu’il a imposé la correction du Code Pénal à marches forcées, réaffirmant certes une position de droit qui avait toujours été celle du droit gabonais. Le Premier Ministre, alors Julien Nkoghé Békalé, fustigeant devant les députés : « l’hypocrisie d’un grand nombre de ceux qui y voient une atteinte à des traditions… qu’ils bafouent en secret : à croire que Tartuffe est Gabonais! » 

Pourtant, au niveau de la Chambre basse du Parlement, la majorité absolue, requise pour que le projet de loi passe, n’avait pas été obtenue le mardi 23 juin, jour où le vote a été effectué, à une voix près. En effet, à l’issue du premier vote, les résultats se présentaient comme suit : 48 pour, 24 contre et 25 abstentions…

En l’état, le projet était donc potentiellement rejeté. Mais il y eut passage en force, et au terme d’un long débat, les abstentions, n’exprimant pas une position tranchée, ne furent  pas prises en compte dans le décompte final des suffrages exprimés, ce qui permettait mathématiquement au projet de loi d’être adopté. Ensuite, il y a eu l’étape du Sénat, où la Loi fut approuvée largement, et presque immédiatement après, la promulgation par le président de la République, court-circuitant ainsi toute tentative d’introduction de recours pour un contrôle de constitutionnalité de la loi.

La rapidité de la promulgation montre bien que l’exécutif était attaché à une disposition qui, censurant une pénalisation de l’homosexualité introduite subrepticement dans la loi gabonaise en 2019, ramène le Gabon parmi les pays qui séparent strictement la sphère de la vie privée de celle de la vie publique. 

En effet, la pénalisation de l’homosexualité n’avait jusqu’en 2019 jamais été prévue par le Code Pénal gabonais, et c’est par une forme d’hérésie législative qu’elle y avait été introduite, à l’insu de l’exécutif, il y a un peu plus d’un an, sous la pression d’un lobby religieux. La verrue qui avait alors poussée dans l’édifice cohérent et logique du Droit gabonais méritait d’être soignée : Ali Bongo, son Premier Ministre, leur gouvernement et la majorité des parlementaires des deux chambres s’en sont chargés, en surmontant les  commentaires parfois lestes des réseaux sociaux! Leur responsabilité politique, était, selon Julien Nkoghé Békalé, « de rester ferme sur les principes qui fondent l’Etat de Droit, quand l’opinion épouse les vagues intégristes ». Seuls en effet les états religieux, pour lesquels les préceptes sacrés doivent être transcrits dans la loi civile, procèdent ainsi à une confusion entre réprobation morale (moralement, chacun condamne toutes les conduites qu’il veut) et sanction pénale (un tribunal n’a pas à sonder « les reins et les coeurs »!). 

Mais les groupes opposés à cette loi, réunis au sein du collectif présidé par Jean Donga, ont quand même tenté d’introduire leurs recours -que la Cour constitutionnelle a donc finalement écartés. Mieux, puisque l’opposition vis-à-vis de cette loi s’est manifestée au sein même du parti présidentiel, le PDG, largement majoritaire à l’Assemblée nationale, des sanctions ont été prises, il y a tout juste quelques jours, à l’encontre des députés et sénateurs qui se sont écartés de la ligne de conduite du parti. Parmi les personnalités sanctionnées, figure la députée Malika Bongo, propre fille d’Ali Bongo. Preuve que rien n’est simple sous le ciel chargé de Livreville ! 

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