L’interdiction d’exporter les grumes (bois non transformé) est entrée en vigueur au Gabon le 15 mai. Selon le gouvernement, la mesure va favoriser le développement de l’industrie forestière locale. Mais pour certains opposants, exploitants forestiers et ONG, elle pourrait au contraire s’avérer contre-productive, et entraîner des suppressions d’emplois.
Polémiques autour du bois gabonais. Un flot de contestations s’est élevé dans le pays après la mise en application samedi, d’une loi votée en novembre 2009, interdisant l’exportation de bois à l’état brut. Certains opposants, des exploitants forestiers étrangers et nationaux, ainsi que des ONG sont montés au créneau pour dénoncer une mesure appliquée de manière brutale selon eux, et dont la mise en application pourrait coûter cher, tout en entraînant des pertes d’emplois.
Pour justifier sa décision, le président Ali Bongo a évoqué la nécessité de relancer l’industrie de transformation locale du bois. Le président gabonais espère ainsi augmenter de moitié la capacité de transformation du bois de son pays, qui produit actuellement 1,5 millions de tonnes de grumes par an. Pour ce faire, il a contracté, dès le mois de janvier, un prêt de 266 millions d’euros, auprès de plusieurs banques gabonaises. Une dépense qui ne se justifie pas, selon André Mba Obame, secrétaire exécutif de l’Union Nationale (UN), un parti de l’opposition. « On est obligé d’avoir recours à des procédures particulières qui sont onéreuses. Aller chercher l’argent dans des banques commerciales au Gabon avec des taux d’intérêt de plus de 15% pour rembourser la dette, c’est de l’amateurisme », s’est-il plaint.
L’arbre qui cache la forêt
Chez les responsables d’ONG forestières et exploitants nationaux comme étrangers de bois, c’est la mise en application qui pose problème. Chef de projet à Brainforest, une ONG gabonaise, Richelieu Zue Obame, estime que les entreprises ne sont pas suffisamment préparées pour faire face à la nouvelle situation. « La décision qui fait l’objet de tous les débats se trouvait déjà à l’article 16.1 du code de la foret gabonais, qui stipulait qu’à l’horizon 2012, les entreprises forestières doivent atteindre 75 % du seuil de transformation forestière (…) Le problème, c’est qu’entre 2001 et 2010, les entreprises n’ont absolument rien fait pour arriver aux 75 % », explique-t-il. A l’en croire, l’interdiction d’exporter des grumes pourrait surtout servir les intérêts d’Ali Bongo qui, dit-il, est lui-même un grand propriétaire forestier. Dans cette initiative « c’est le peuple qu’on abuse », martèle-t-il.
« Nous avions besoin d’un délai », reconnaît Guillaume Fenart, directeur général de la Compagnie des Bois du Gabon. Pour Hervé Bourguignon, président de l’association interafricaine des industries forestières, on va de « manière très certaine » assister à une « baisse de l’activité », qui entraînera la suppression de «nombreux emplois ».
Le secteur forestier gabonais est le plus grand employeur du pays (avec 20 000 emplois pour une forêt occupant près de 80% du territoire), après l’Etat.