Gabon : Brice Oligui Nguema élu Président avec 90,35 % des voix


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Brice Oligui Nguema, président de la Transition du Gabon
Brice Oligui Nguema, président de la Transition du Gabon

Brice Oligui Nguema, Président de la transition depuis le renversement d’Ali Bongo en août 2023, a remporté l’élection présidentielle avec 90,35 % des voix, selon les résultats provisoires communiqués ce dimanche par le ministère de l’Intérieur. Un scrutin à forte participation (70,4 %, un peu plus bas que les 87 % annoncés plus tôt) qui consacre la domination politique du général devenu chef d’État civil, dans un contexte marqué par l’incertitude démocratique.

Tout est désormais clair au Gabon. Brice Clotaire Oligui Nguema est élu avec un score stalinien – 90,35 % – président de la République gabonaise, après avoir dirigé le régime de transition après le coup d’État du 30 août 2023.

Une élection très attendue, mais sans réel suspense

Dix-neuf mois après le coup d’État militaire ayant mis fin à plus de cinq décennies de règne de la famille Bongo, le Gabon a organisé, ce samedi 12 avril, une élection présidentielle censée refermer la parenthèse de la transition militaire. Mais pour de nombreux observateurs, cette élection marquait davantage la validation d’un pouvoir déjà en place que l’ouverture d’une véritable compétition démocratique.

Brice Oligui Nguema, 50 ans, ancien commandant de la garde républicaine et artisan du putsch d’août 2023, était donné largement favori. Candidat « en civil », après s’être officiellement mis en disponibilité de l’armée, il a écrasé ses adversaires dans les urnes. Son principal concurrent, l’ancien Premier ministre Alain-Claude Bilie By Nze, n’a recueilli que 3,02 % des suffrages, tandis que les six autres candidats sont restés sous la barre des 1 %.

Une transition maîtrisée… par le pouvoir militaire

À son arrivée au pouvoir, Oligui Nguema s’était engagé à restaurer les institutions, à garantir une transition apaisée et à remettre le pouvoir aux civils. Il avait suspendu la Constitution, dissous les institutions élues et instauré un gouvernement de transition, tout en promettant un retour à l’ordre constitutionnel.

Mais progressivement, des signes de consolidation du pouvoir sont apparus : nomination de fidèles aux postes clés, marginalisation de l’opposition, concentration des leviers politiques et économiques. Sa décision de se présenter à l’élection présidentielle, annoncée en mars 2025, a scellé cette trajectoire. Il a alors affirmé vouloir se « mettre au service du peuple dans la continuité », défendant une candidature « de responsabilité » dans un climat « d’attentes élevées ».

Une légitimité électorale forte… mais contestée sur le fond

Malgré un taux de participation annoncé à 70,4 %, plusieurs voix critiques, au sein de la société civile et dans la diaspora gabonaise, dénoncent un scrutin « verrouillé ». Certains opposants ont évoqué des irrégularités dans la composition des listes électorales et des conditions inéquitables de campagne. De leur côté, les autorités ont mis en avant la tenue « pacifique et transparente » du scrutin, saluant un « acte de souveraineté nationale ». Aucune contestation officielle n’a été formulée dans l’immédiat par les autres candidats.

Avec 90,35 % des suffrages, Oligui Nguema obtient une légitimité écrasante. Mais cette domination suscite des interrogations sur la réalité du pluralisme et la liberté de choix laissée aux électeurs. Le contexte de l’élection, marqué par le contrôle étroit des médias publics, la quasi-absence de débats contradictoires et la marginalisation des partis d’opposition, nourrit la critique. Certains analystes redoutent une forme de « civilisation du pouvoir militaire », où les apparences démocratiques cacheraient une continuité autoritaire. Un scénario déjà observé dans d’autres pays de la région ayant connu des transitions dirigées par des militaires.

Un mandat décisif pour l’avenir démocratique du Gabon

Brice Oligui Nguema entame un mandat de sept ans, renouvelable une fois, à la tête d’un pays encore fragilisé par des années de gouvernance opaque et de crise économique. L’un de ses premiers défis sera de convaincre qu’il ne se contentera pas de succéder à Ali Bongo pour perpétuer un système, mais qu’il saura réformer l’État, rétablir la confiance des citoyens et garantir les libertés publiques.

Son gouvernement sera attendu sur plusieurs fronts : lutte contre la corruption, réforme de la justice, ouverture démocratique, relance économique, gestion de l’or noir et diversification des revenus de l’État. Mais surtout, il devra démontrer qu’il est possible, pour un chef de junte devenu Président, de gouverner dans un cadre réellement républicain.

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Par Serge Ouitona, historien, journaliste et spécialiste des questions socio-politiques et économiques en Afrique subsaharienne.
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