Le Gabon, autrefois dirigé d’une main de fer par la dynastie Bongo pendant plus de 55 ans, se trouve aujourd’hui à un tournant de son histoire politique. Après l’éviction d’Ali Bongo Ondimba, héritier de cette dynastie, lors du coup d’État militaire du 30 août 2023, le pays s’engage sur la voie d’une transition politique marquée par des changements profonds. Le général Brice Oligui Nguema, à la tête de la junte militaire, a promis de rendre le pouvoir aux civils, mais des tensions et des ambiguïtés subsistent quant à la direction que prendra le pays après la transition.
La dynastie Bongo : un règne de plus de 50 ans
Depuis l’accession au pouvoir d’Omar Bongo Ondimba en 1967, la famille Bongo a gouverné le Gabon d’une manière quasi monarchique. Après la mort de son père en 2009, Ali Bongo Ondimba a pris les rênes du pays, héritant ainsi de l’empire politique et économique bâti par son père. Sous son règne, le Gabon a continué d’être une oligarchie où les richesses du pays, principalement issues des ressources pétrolières, étaient concentrées entre les mains d’un petit groupe d’élites proches du pouvoir. La famille Bongo, solidement implantée dans les institutions gabonaises, a fait face à des critiques croissantes concernant la gouvernance, le manque de transparence et les accusations de corruption.
Les élections présidentielles en 2016 et en 2023, marquées par des irrégularités et des accusations de fraude, ont aggravé les tensions dans un pays déjà en proie à une opposition croissante. En août 2023, après une élection présidentielle contestée, Ali Bongo a été proclamé vainqueur pour un troisième mandat consécutif. Mais c’est à ce moment précis que la situation a pris un tournant décisif.
Le coup d’État de 2023 : la fin du régime Bongo
Le 30 août 2023, quelques heures après l’annonce des résultats de l’élection présidentielle, un groupe d’officiers militaires a renversé Ali Bongo Ondimba. Le coup d’État a été justifié par la fraude électorale présumée et la nécessité de restaurer les institutions du pays. Le « Comité pour la transition et la restauration des institutions » (CTRI), dirigé par le général Brice Oligui Nguema, a pris le pouvoir, affirmant mettre fin à près de six décennies de règne Bongo.
Les militaires ont immédiatement dissous les institutions existantes, notamment l’Assemblée nationale et le Sénat, et ont procédé à la mise en place d’un gouvernement de transition. Brice Oligui Nguema a été désigné président de la transition, promettant de rétablir l’ordre constitutionnel, mais aussi de conduire le pays vers un retour à un régime civil dans les deux ans. Toutefois, cette transition n’a pas été sans ambiguïtés, le général Nguema nourrissant des ambitions présidentielles qui font douter de la nature de ce changement.
Une nouvelle Constitution et un code électoral
Depuis le coup d’État, le Gabon a entamé une série de réformes visant à transformer le paysage politique. En septembre 2024, un projet de nouvelle Constitution a été adopté, remplaçant celle héritée de l’époque Bongo. Cette nouvelle loi fondamentale a été approuvée par référendum avec un soutien écrasant de 91,64% des voix. Parmi les changements importants, la nouvelle Constitution instaure un mandat présidentiel de sept ans renouvelable une seule fois, et renforce considérablement les pouvoirs exécutifs du Président, en supprimant le poste de Premier ministre. De plus, elle interdit la transmission dynastique du pouvoir, mettant ainsi fin à l’idée d’une succession au sein de la famille Bongo.
Parallèlement, un nouveau code électoral a été adopté en janvier 2025, introduisant des mesures controversées, notamment l’autorisation pour les militaires et magistrats de se présenter aux élections sous certaines conditions. Bien que cette mesure ait pour but de moderniser le système politique, elle a suscité des inquiétudes chez les opposants, qui redoutent que ces corps ne se servent de leur pouvoir pour influencer le processus électoral et maintenir un contrôle militaire sur le pays.
La Présidentielle de 2025 : un retour aux urnes sous tension
L’élection présidentielle, qui marquera une étape importante dans la transition, est désormais fixée au 12 avril 2025. Cette date représente un moment capital pour le Gabon, car elle pourrait signifier le retour à un gouvernement civil après plus de deux ans de régime militaire. Le général Brice Oligui Nguema a assuré qu’il remettrait le pouvoir aux civils, mais des doutes persistent concernant ses véritables intentions.
Bien que la transition ait été présentée comme un moyen de restaurer la démocratie, plusieurs signaux laissent penser que Nguema pourrait se maintenir au pouvoir, à l’instar de nombreux dirigeants militaires en Afrique. Les critiques concernant la révision des listes électorales et la possibilité pour les militaires et magistrats de participer aux élections alimentent le débat sur la transparence et l’équité du processus électoral.