Gabon : Ali Bongo à la recherche d’un second souffle


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Presque totalement remis de son AVC survenu le 24 octobre dernier, le président gabonais est à la recherche d’un second souffle afin de redynamiser son septennat. Il compte pour ce faire sur l’emploi, hissé au rang d’absolue priorité. Mais l’intendance suivra-t-elle ? 

« Comment va le président ? » « – Il est en pleine forme ». « Est-il bien remis de son AVC ? » « – Ses ennuis de santé en sont plus qu’un mauvais souvenir ». Ces réponses à nos questions, ce sont celles d’un très proche collaborateur du président togolais Faure Gnassingbé, qui a rendu visite cette semaine à son homologue gabonais. La première d’un chef d’Etat à Libreville depuis le 24 octobre dernier, date à laquelle le président gabonais a été victime d’un probable AVC. C’était à Ryad, en Arabie Saoudite.

Depuis son retour définitif au pays fin mars, entrecoupé d’un court séjour à l’étranger pour des examens de routine, Ali Bongo Ondimba a repris la main. Sur les dossiers domestiques d’abord, comme les bourses étudiantes ou le dialogue social, où le numéro un gabonais s’est employé dans la coulisse à désamorcer la contestation. En matière diplomatique ensuite : après avoir reçu la visite du président togolais, il s’est entretenu deux jours plus tard, le jeudi 9 mai, avec le doyen et le vice-doyen du corps diplomatique accrédité au Gabon, les ambassadeurs de Côte d’Ivoire et de Russie (notre photo, Ali Bongo accueillant Philippe Mangou, Ambassadeur de Côte d’Ivoire).

Conséquence : le débat sur la vacance du pouvoir présidentiel a fait long feu. Même l’opposition, consciente du peu d’écoute que lui accordent sur ce plan les Gabonais, a abandonné ce cheval de bataille. Mais le danger écarté, le chef de l’Etat n’en est pas pour autant serein. « Il est conscient qu’après dix années au pouvoir, il lui faut trouver un second souffle », confie un de ses amis intimes.

Élu en 2009, les débuts d’Ali Bongo au pouvoir sont prometteurs. En rupture avec la gouvernance de son père, Omar, plus paternaliste, le nouveau dirigeant nourrit de grandes ambitions pour son pays, qu’il escompte faire accéder au stade de l’émergence en 2025. Une stratégie ambitieuse, intitulée « Gabon émergent », est alors élaborée avec des axes de développement clairs, des objectifs précis et un chronogramme strict. Dans l’opinion publique, Ali éclipse Bongo.

Las, le fil des réformes est rapidement perdu. Les mesures promises ne sont pas mises en oeuvre et l’action publique devient rapidement illisible. Il faut dire que son entourage ne l’aide guère. A l’époque, le directeur de cabinet d’Ali Bongo s’appelle Maixent Accrombessi. On parle au Gabon de « légion étrangère », une manière de dénoncer ceux qui, venus d’ailleurs et dépourvus de sens patriotique, ont avec lui noyauté l’administration présidentielle. La corruption est alors endémique dans les hautes sphères gabonaises sans que le Président s’en aperçoive vraiment. Pour Ali Bongo, le premier septennat est en grande partie un mandat perdu. La déception est à la hauteur des espoirs initiaux.

Août 2016, Ali Bongo remet son mandat en jeu. Au terme d’un scrutin contesté, le président gabonais est réélu d’une très courte marge face à Jean Ping, le candidat unique de l’opposition. Le couperet, cette fois-ci, n’est pas passé loin. Ali Bongo sent que quelque chose ne va pas. Victime d’un AVC durant l’été 2016, Maixent Accrombessi, l’âme damnée du président, l’homme le plus détesté du Gabon, est écarté de la présidence. Un coup de pouce de la Providence ? Le chef de l’Etat gabonais en est en tout cas convaincu : il lui faut renouveler son entourage pour éviter de commettre les mêmes erreurs que par le passé.

En août 2017, le numéro un gabonais nomme, au poste de directeur de cabinet, Brice Laccruche Alihanga. Il est l’exact négatif d’Accrombessi. Jeune – il a alors 37 ans -, Alihanga est ultra-compétent sur les questions économiques – il reste encore à ce jour le plus jeune commissaire aux comptes en Afrique centrale au sein d’un cabinet international d’audit, PricewaterhouseCoopers, la référence absolue dans le secteur.

Surtout, contrairement à son prédécesseur, le nouveau dircab jouit d’un fort capital sympathie au Gabon, en particulier auprès des jeunes. Bien que métis, Brice Laccruche a grandi dans le pays et y a fait toutes ses études. « Brice a la peau claire mais c’est un blédard. Il est plus Gabonais que nous. D’ailleurs, il n’aime pas partir à l’étranger. Il préfère rester au pays », s’amuse un proche de « BLA », aujourd’hui ministre.

Depuis sa nomination, Brice Laccruche Alihanga a, à la demande du Chef de l’Etat, commencé à remettre de l’ordre au sein de la machine présidentielle, mais aussi au sein de l’administration (où les nominations se sont multipliées) et du Parti Démocratique Gabonais, le PDG, dont Alihanga est également le dircab du président.

Les résultats ne se sont pas fait attendre. Des réformes inédites sont mises en oeuvre afin de rééquilibrer les finances publiques et de réformer en profondeur l’Etat gabonais, plombé par une fonction publique pléthorique et un niveau de dépenses de fonctionnement trop élevé. De nouveaux managers, plus compétents, sont nommés à la tête des administrations ou des entreprises publiques (DGBFIP, CNAMGS, SEEG, etc.). Par dessus tout, le niveau de corruption baisse nettement. « C’est une grosse différence par rapport à il y a quelques années, en gros de 2010 à 2016, où ça devenait insupportable », confie le dirigeant d’une grande entreprise internationale implantée dans le pays.

Mais Ali Bongo a conscience que seule une partie du chemin devant le mener à la reconquête de l’opinion a été accompli. Certes, les mesures d’austérité, condition du soutien accordé par le FMI au Gabon (642 millions de dollars sur trois ans), permettront à l’avenir de revigorer la croissance. Mais cela ne suffira pas à contenter les Gabonais qui attendent des effets tangibles des réformes dans les domaines du quotidien, tels que le pouvoir d’achat, l’eau, l’électricité, le logement, les transports, l’éducation, la santé et, par dessus tout, l’emploi.

L’emploi, que le président gabonais considère comme la mère des réformes, en raison de ses effets d’entrainement vertueux sur les autres secteurs. Il en a d’ailleurs fait sa priorité en 2019, comme il l’a indiqué lors de son discours des vœux à la Nation le 31 décembre dernier. Comme un symbole, il a nommé dans la foulée, le 12 janvier, au poste de chef du gouvernement, l’ancien ministre du… Travail, Julien Nkoghe Bekalé.

Le président gabonais a donc montré la voie mais l’intendance suivra-t-elle ? Une chose est sûre en tout cas, pour gagner la bataille de l’opinion, Ali Bongo devra d’abord remporter celle de l’emploi.

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