Nom : Oren’Tchy. Profession : chanteur. Et même bien plus que cela puisque l’artiste ivoirien est l’artisan de son propre style : le funk’n zo. Conscient de l’importance de préserver la culture africaine tout en restant un homme de son temps, il façonne un univers à la fois musical et scénique en alliant tradition et modernité.
Connaissez-vous le funk’n zo ? C’est un mélange de funk et de zoblazo, le courant musical déposé par le grand Meiway. La recette est très alléchante. L’alchimiste s’appelle Oren’Tchy.
L’artiste ivoirien, de son vrai nom Michel Kacou, revient sur le devant de la scène avec un nouvel album Eldorado qui a déjà séduit le tout Abidjan.
Rencontré à Paris au Forum canadien sur l’entreprise de la culture, il nous livre les secrets d’une approche artistique et culturelle globale où la musique reste indissociable de la prestation scénique.
Interview de Oren’Tchy
Afrik : D’où vous vient votre nom de scène ?
Oren’tchy : Oren’tchy est l’expression conjuguée du vocable « or » en français et du vocable « n’tchy » qui signifie également or en ébrié, la langue des habitants d’Abidjan.
Pourquoi l’or ? Parce que quand j’étais plus jeune et que je regardais les westerns, je constatais que les gens s’entretuaient beaucoup pour l’or. Ce qui démontrait qu’il s’agissait d’un métal très précieux. D’autre part, dans nos chefferies akans, les rois se parent toujours de beaucoup d’or pendant les fêtes. Un signe de noblesse et de puissance.
Enfin la définition du dictionnaire français nous apprend que c’est un métal inoxydable qui est en plus ductile (qui peu s’étirer sans se casser, ndlr). C’est un métal qui recèle tellement de qualités qu’il représente pour moi un idéal. C’est un stimulant qui me pousse à davantage de travail afin d’atteindre cet idéal.
Comment est né votre concept musical de funk’n zo ?
Je suis issu d’une famille de musiciens, mais j’ai eu le déclic pendant l’adolescence. J’étais émerveillé et séduit par la musique américaine, la soul, le funk. À l’époque, je ne chantais que ça.
Mais à l’école nous avons commencé à étudier la négritude, avec Senghor et Léon-Gontrand Damas. J’ai pris conscience qu’il fallait que je revalorise mon patrimoine culturel. C’est de là qu’est parti la jonction du funk et du zoblazo. Plus qu’un concept marketing c’est devenu pour moi une nécessité artistique.
Le zoblazo est un courant musical créé et défendu par Meiway. Pourquoi avoir emprunté son style ?
Je viens de la même région que Meiway, nous parlons la même langue, nous avons la même culture. C’est un ensemble de rythmes qui existent chez nous, que Meiway a baptisé zoblazo.
Etant de la génération suivante, il était indécent pour moi de rebaptiser ce concept-là, sachant que c’était sur ce même ensemble de rythmes que j’allais travailler. Il fallait abonder dans le même sens pour ne pas créer de malentendus et embrouiller le mélomane. Je fais donc aussi du zoblazo. Mais à ma propre sauce.
Qu’est-ce-qui fait votre originalité artistique ?
Je suis essentiellement chanteur, mais, outre le funk’n zo, ce qui fait ma force c’est également le visuel. Mon jeu de scène. Fort de la prise de conscience des années collège, j’ai énormément travaillé sur le patrimoine culturel apollonien (de l’ethnie ivoirienne apollo, ndlr) et plus largement africain.
J’apporte beaucoup d’importance à mes chorégraphies (l’artiste se produit sur scène avec au moins quatre danseurs, ndlr), aux vêtements et aux accessoires. Tous tirés de la tradition africaine. Que se soit des masques, des pagaies, des assiettes, des filets de pêche…
Quel regard portez-vous sur la musique africaine ?
La musique africaine a déjà fait ses preuves. Il y a eu d’abord la musique congolaise qui a influencé tout le continent. Puis le makossa (Cameroun, ndlr). Aujourd’hui, Dieu merci, c’est la musique ivoirienne, et plus particulièrement le zouglou, qui a pris le dessus sur les autres musiques. Mais le combat n’est pas encore gagné.
Le zouglou est surtout connu grâce à Magic System. Et surtout les remix qui ont été fait en France ou ailleurs. Le zouglou ne s’en trouve-t-il pas perverti ?
Les avis seront toujours partagés. Les puristes diront qu’ils sont tombés dans du commercial. Et en même temps, il faut dire que la musique est aujourd’hui une industrie. Je ne suis pas pour faire une musique 100% roots. Il faut évoluer avec l’environnement dans lequel on vit. Mais tout en gardant sa touche culturelle.
Quel est votre rêve d’artiste ?
Mon rêve est que tout ce que je fais soit diffusé à travers le monde. C’est bien beau de chanter mais il faut que ce que nous chantons soit porté par delà nos frontières. Parce que nous sommes des ambassadeurs de notre culture. Si ce que nous faisons reste dans nos placards, c’est un peu un échec.
Quel artiste respectez-vous le plus pour son travail ?
Je respecte tous les artistes car la création n’est pas chose aisée. Ça peut plaire ou non mais il faut respecter la valeur de la création. J’admire particulièrement Youssou’ n Dour car il a su allier le mballax traditionnel et la world music pour faire une musique populaire à la fois fois traditionnelle et moderne.
En tant qu’artiste ivoirien que vous inspire le conflit qui divise actuellement le pays ?
Il faut garder espoir pour sortir de la crise. Car le plus important pour un homme ou pour un pays ce n’est pas de ne jamais tomber mais de pouvoir se relever et je souhaite que la Côte d’Ivoire se relève.