Fulla est à la fête


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Poupée Fulla
Poupée Fulla

Fulla, la poupée qui porte hidjab et abbaya, fait un malheur dans les pays arabes depuis son lancement en 2003. La dernière fête de l’Aïd el Kébir a été l’occasion de vérifier sa popularité auprès des petites filles du Moyen-Orient et d’Afrique du Nord.

Pour la fête de l’Aïd el Kebir, les enfants reçoivent des vêtements neufs et des jouets. Cette année, les petites filles des pays arabes ont été particulièrement gâtées : elles ont reçu des poupées Fulla par dizaines. Depuis son lancement en 2003, la poupée « musulmane » ne cesse de faire des adeptes : 2 millions d’exemplaires auraient été vendus en deux ans dans le monde arabe. Fulla a quasiment les mêmes proportions que la blonde Barbie occidentale, mais la comparaison s’arrête là. Leur seul point commun : elles sont toutes deux fabriquées en Chine. Sinon, Fulla a le teint mat et de grands yeux marron. Dans la version du Golfe, elle porte une abbaya noire et est vendue avec son tapis de prière. Dans sa version nord-africaine, elle porte le hidjab et de longues robes couvrantes.

Pas de maillot de bain dans sa garde-robe et pas de petit ami non plus. Pas de Ken oriental à l’horizon. « Les parents ne veulent pas de ça. Ce n’est pas culturellement correct. Fulla sera toujours célibataire », explique Fawaz Abidin, son créateur. Fulla a déjà deux copines aux cheveux plus clairs, Yasmeen et Nada, et on annonce l’arrivée de ses frères, Bader et Nour, pour l’année 2006.

« Elle ne ment jamais et adore la mode »

Fulla, du nom d’une espèce de jasmin, est un véritable phénomène de mode au Moyen-Orient. En Syrie, Egypte, Jordanie ou Qatar, les magasins vendent les céréales Fulla, le chewing gum Fulla, les bicyclettes Fulla… et plus de 200 accessoires sont disponibles pour l’habiller. Il y a deux ans, l’Arabie Saoudite a interdit la vente des Barbie sur son sol, critiquant ses tenues « honteuses », symboles de « l’Occident pervers ». Fulla est venue combler ce vide. Son créateur a voulu en faire une porteuse de « valeurs musulmanes » comme la modestie, le respect et la piété.

Fawaz Abidin, manager de la société New Boy basée à Damas, explique : « Il ne s’agit pas seulement de mettre un hidjab sur une poupée Barbie. Avec Fulla, j’ai voulu créer un personnage que parents et enfants puissent considérer comme un membre de leur famille. Elle est honnête et ne ment jamais, elle est aimante, dévouée et elle respecte son père et sa mère. Elle est bonne avec ses amies, elle aime la lecture et adore la mode. » La mise au point de Fulla a nécessité 4 ans de recherche et de développement. Cinquante animateurs, artistes et psychologues se sont penchés sur le design de son visage pendant 18 mois.

Fulla médecin et Fulla professeur

Contrairement à Barbie, femme active qui évolue dans nombre de métiers, Fulla n’est que médecin ou professeur. « Deux métiers respectables pour les femmes. On aimerait encourager les petites filles à s’engager dans cette voie », explique Fawaz Abidin. Ce dernier a pensé à la touche « moderne » pour la petite musulmane modèle : elle a une tenue pour la maison, avec jupe, pantalon, tee-shirt ou débardeur. Mais « si vous faites sortir Fulla de la maison, n’oubliez pas de lui mettre sa nouvelle abbaya ! » clame la réclame sur les chaîne satellitaires arabes pour enfants, inondées de pubs Fulla.

La garde-robe de la poupée s’adapte aussi aux différents marchés, notamment en Egypte, où, vendue entre 60 et 120 LE (10 et 20 dollars) – moins cher que Barbie – elle fait un malheur dans les magasins du Caire. « Fulla se vend mieux car elle est proche de nos valeurs arabes : jamais elle ne découvre ses jambes ou ses bras », a notamment expliqué à l’AFP Tarek Mohamed, chef des ventes de la boutique Toy’R’us, dans le quartier résidentiel de Mohendissen. En revanche, Fulla a plus de mal à s’implanter au Maghreb. Elle n’est pas encore commercialisée en Algérie et, au Maroc, elle semble bien marcher mais sans plus. De nombreuses boutiques, à Casablanca et Rabat, n’en vendent pas, tout en connaissant parfaitement le produit.

Poupées voilées

Au rayon jouets du grand magasin Alpha 55 à Casablanca, plusieurs modèles et accessoires sont vendus depuis l’année dernière. « Il y a une demande importante. Fulla a bien marché pendant la dernière fête de l’Aïd mais on vend toujours autant de Barbie ! » explique un vendeur. Chez Maxi Toys, boutique de jouets à Rabat, on est en rupture de stock depuis l’Aïd. « Nous en avions commandé une petite quantité mais elles sont toutes parties. On les vend 259 DH. Ce sont encore les Barbies qui marchent le mieux au Maroc car Fulla s’adresse à des clients particuliers, des clients très religieux », explique une des vendeuses.

Les musulmans représentent aujourd’hui un marché non négligeable et Fulla n’est d’ailleurs pas la première poupée à porter le hidjab. Mattel a édité une Barbie marocaine de collection ainsi que Leila, censée représenter une esclave musulmane à la cour Ottomane. En Iran, les petites filles connaissent bien la poupée voilée Sara. Enfin, une société du Michigan qui vise les communautés musulmanes, commercialise Razanne en Grande-Bretagne et aux Etats-Unis. Mais c’est Fulla qui a su s’imposer. On devrait même bientôt la trouver au Brésil, puisque le site de vente d’articles arabes et musulmans Lojinha.net a annoncé être très intéressé. « Si cette poupée arrive au Brésil, les parents musulmans du pays l’achèteront », affirme Walid Shukair, propriétaire du site. Barbie, 46 ans au compteur, peut bien aller se rhabiller.

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