Dans « Fruitvale Station » de Ryan Coogler, qui sort en DVD ce mardi sur le territoire français, elles incarnent respectivement la mère et la compagne d’Oscar Grant. Octavia Spencer et Mélonie Diaz reviennent sur leurs personnages.
Les vingt-quatre heures de la vie d’Oscar Grant, un jeune Afro-américain tué par un policier en 2009, sont reconstituées dans « Fruitvale Station » de Ryan Coogler qui sort en DVD ce mardi en France. Après Sundance où il a décroché le Grand prix du jury et le Prix du public en 2013, le film a été présenté à Cannes la même année et est reparti avec le Prix de l’avenir décerné à Ryan Coogler dans la section « Un Certain regard ». Plébiscité par la critique aux Etats-Unis, il a encore été récompensé aux Independant Spirit Awards où il a remporté le trophée du meilleur premier film de fiction en mars dernier.
Afrik.com : Comment se prépare-t-on pour incarner des personnages réels, avec en plus une charge émotionnelle aussi importante ?
Octavia Spencer : C’est toujours très difficile d’interpréter des personnages réels, parce que ce sont les meilleurs juges de votre travail d’acteur. On a la responsabilité d’y arriver et de préserver, autant que possible l’essence de la personne que l’on incarne. J’ai ressenti le poids de cette responsabilité. Nous avons ressenti le poids de cette responsabilité. J’ai rencontré la maman d’Oscar Grant. Ryan (Coogler) m’a également transmis beaucoup d’informations.
Melonie Diaz : J’ai eu la chance de passer du temps avec Sophina (la compagne d’Oscar). Nous avons fait du shopping ensemble, elle a choisi mon vernis, mes vêtements. Elle m’a permis de me rapprocher d’elle et j’ai eu ainsi l’opportunité de découvrir qui elle était. En fréquentant Sophina, j’ai pu me rendre compte de la profondeur de son amour pour Oscar. J’ai éprouvé et j’éprouve cet amour-la aussi pour quelqu’un. Oscar était son meilleur ami, l’amour de sa vie et le père de son enfant. La façon dont elle parlait de lui m’a permis de trouver un point de départ pour construire son personnage.
Afrik.com : Comment s’est déroulée le tournage de cette scène ou vous apprenez toutes les deux la mort d’Oscar à l’hôpital. Vous êtes très proches, vous vous réconfortez mutuellement. Comment avez-vous abordé cette scène ?
Octavia Spencer : La mère d’Oscar est une femme très spirituelle. Avec toutes les épreuves qu’elle avait traversées avec son fils, je ne pense pas qu’un seul instant elle se soit permis de penser qu’il ne s’en sortirait pas. Nous devions rendre cela. C’était une scène très difficile.
Melonie Diaz : Ce jour-là, Ryan avait donné le ton en nous disant que c’était une scène très importante et nous le savions tous. Nous savions que nous devions faire de notre mieux. Octavia y est allée la première et elle a mis la barre vraiment très haute. Il fallait que je m’aligne. C’était une journée spéciale et une scène difficile.
Afrik.com : A propos de ce rôle de mère afro-américaine, qui souffre toujours beaucoup et qui est très récurrent, que fait-on pour y apporter une un peu de singularité ? C’est une préoccupation pour vous ou pas du tout ?
Octavia Spencer : Dans ce film et dans The Help (2011), je devais y penser parce que cela a son importance dans la trame. Cependant, le fait qu’elle soit une mère afro-américaine, ce n’est que l’un des aspects de sa personnalité, car c’est une mère avant tout. Elle a donc la capacité d’aimer de façon inconditionnelle et c’est ce qui est le plus important pour moi. C’est ce qui fait qu’elle peut dire à son fils, alors qu’elle lui rend visite en prison, au moment où il est le plus vulnérable, qu’elle ne reviendra pas. Je ne suis pas mère, donc je ne peux pas comprendre ce que c’est de donner la vie à quelqu’un, mais je sais ce que c’est d’aimer de façon inconditionnelle.
Melonie Diaz : Tout le monde le ressent d’ailleurs de la même manière. Nous ne souhaitons pas que les personnes que nous aimons soient heurtées ou blessées de quelque façon que ce soit.
Afrik.com : Votre rôle dans The Help, celui-ci dans Fruitvale Station et votre futur projet avec Kevin Costner ont des dimensions raciales. Le fait d’être une actrice noire vous cantonne-t-il à ces rôles ou c’est tout simplement parce que vous êtes une actrice que vous devez jouer tous les rôles ?
Octavia Spencer : Il y a très peu de rôles pour les actrices de couleur et nous en sommes bien évidemment conscientes. Par conséquent, quand nous avons l’opportunité d’incarner des personnages aussi riches, nous le faisons. Si on veut que je joue une femme asiatique, ce sera difficile, mais j’essaierai.
Afrik.com : En tant qu’actrice latino, un mot sur cette série Devious Maids» portée par Eva Longoria et qui a crée la controverse ?
Melonie Diaz : C’est un angle très spécifique de l’expérience des latinos aux Etats-Unis auquel je n’adhère pas.
Afrik.com : Vous êtes aussi l’un des co-producteurs de Fruitvale station ?
Octavia Spencer : Je ne peux pas prétendre à ce titre. Je suis une grande supportrice de ce projet comme nous tous. Quand nous avons commencé à perdre quelques-uns de nos financements, j’ai juste lancé une collecte auprès de mes amis et investi un peu de mon argent pour que nous n’ayons pas à sacrifier quoi que ce soit. Ils ont été assez gentils pour me demander si je voulais être créditée comme productrice exécutive. Ce que j’ai accepté avec plaisir.
Afrik.com : Qu’est-ce qui a changé dans votre vie après les Oscars ?
Octavia Spencer : Ma carrière a changé mais ma vie est exactement ce qu’elle était avant et c’est ce que je souhaite. J’aime l’idée d’avoir une grande carrière et une petite vie tranquille. J’adore ça.
Propos receuillis en mai 2013 au Festival de Cannes