La tension sociale est très vive au Bénin depuis le lancement, mardi, d’un mouvement de grève générale. Cette grève fait suite à l’échec des négociations entre le gouvernement et les syndicats de travailleurs. Il en résulte une crise sans précédent dans tous les secteurs de la vie économique, qui met mal-à-l’aise la classe politique.
De notre correspondant Sessi Tonoukouin
Impossible de couper la poire en deux. Voilà qui traduit bien le bras de fer qui s’installe depuis bientôt soixante douze heures entre les travailleurs béninois et le gouvernement. Fonctionnaires d’Etat à la maison, salles de classe vides, enseignants dans la rue, interventions chirurgicales reportée, longues files d’attentes dans les stations d’essence, rareté des moyens de transport,… Telle a été la morosité sociale que le Bénin a vécu ces dernières heures. Depuis mardi dernier, en effet, tous les secteurs de la vie économique sont paralysés par une grève de 48 heures ou de 72 heures. Toutes les structures syndicales du pays ont suivi religieusement le mot d’ordre lancé. L’administration publique, la santé, l’éducation, les transports et les banques sont les secteurs touchés par les débrayages des travailleurs.
Chapelet de revendications
Si les syndicats en sont arrivés à cette extrêmité, c’est qu’ils ne sont pas parvenus à un accord avec l’Etat béninois. Mais, contrairement aux années précédentes, les syndicalistes semblent plus combatifs et prêts à aller jusqu’au bout. D’autant plus qu’ils sont fortement soutenus dans leur mouvement. « Dans le secteur des écoles publiques, la grève est suivie à 100 %, à part quelques brebis galeuses que nous contrôlons d’ailleurs. Dans l’administration publique, 93% au moins des travailleurs suivent le mouvement. Les échos qui nous parviennent des départements sont rassurants », explique Pascal Todjinou, de la Confédération générale des travailleurs du Bénin.
Même le secteur privé s’y est mis. « Le secteur privé, que d’aucuns pensaient incapable de respecter le mot d’ordre, a surpris. Ainsi, le secteur des banques, mis à part le cas de l’Eco-Bank, a été gagné par la grève », commente Guillaume Attigbe de la Centrale des syndicats autonomes du Bénin.
Les syndicalistes n’entendent pas démordre de leur action avant l’obtention de toutes leurs revendications. Des revendications que le gouvernement finit par bien connaître. Il s’agit entre autre de l’augmentation à 3 000 FCFA par mois et par enfant du montant de l’allocation familiale, de la révision à la baisse de l’impôt progressif sur traitement des salaires, du respect absolu des liberté syndicales, de la mise en œuvre du régime indemnitaire du personnel de santé toutes catégories confondues, du recrutement massif dans la fonction publique ou encore du démarrage immédiat du paiement des arriérés salariaux découlant de l’abrogation de l’article 25 de la loi des finances de 1987.
Frais de scolarité multipliés par quatre
Vient se greffer sur toutes ces doléances l’épineux problème des étudiants, qui se plaignent de l’augmentation des frais d’inscription, de restauration, de transports et d’hébergement. Désormais, tout nouveau étudiant doit payer la somme de 25 000 FCFA à l’inscription contre 6 200 FCFA initialement.
Depuis l’annonce de cette mesure par les autorités rectorales, deux camps s’opposent. D’un côté, les étudiants estiment qu’il s’agit d’une fuite en avant du gouvernement qui vise à sélectionner l’accès à l’éducation supérieure. Un avis que partage Paul E. Iko, de la Centrale syndicale des travailleurs du Bénin. Il estime que par les hausses tarifaires le gouvernement « sélectionne les enfants des riches pour leur donner le savoir à l’université. Par contre, il abandonne les enfants des pauvres et encourage leur ignorance ». De l’autre, les enseignants exigent l’application des nouvelles mesures avant le démarrage des cours à l’université. La crise secoue notamment les universités de Calavi, au Sud, et de Parakou, au Nord.
Une longue liste qui donne des sueurs froides aux différents membres du gouvernement. Les autorités n’ont d’ailleurs jusque là pas été très bavardes sur ces mouvements sociaux et expliquent le durcissement de ton des travailleurs par une manipulation politique. Le dénouement de ce bras de fer devrait arriver dans les prochains jours. Les autorités devront réagir rapidement si elles ne veulent pas que la grogne s’intensifie et que les ministères continuent à souffrir du manque de personnel.