Le groupe Pan African Minerals de l’homme d’affaires australo-roumain Frank Timis a déposé contre le Burkina Faso une demande d’arbitrage auprès de la Cour internationale de la Chambre de commerce internationale. Une requête qui intervient alors même que le pays des hommes intègres a organisé ce 7 et 8 décembre une conférence à Paris pour convaincre les bailleurs de fonds d’y investir près de 9 milliards de dollars.
Propriétaire de plusieurs sociétés minières et pétrolières en Afrique, l’homme d’affaire Frank Timis n’est pas prêt de lâcher le gouvernement du Burkina Faso qu’il accuse d’avoir mis à l’arrêt sans raison valable le projet minier de Tambao, ficelé sous l’ère Blaise Compaoré, qui lui permettait d’exploiter le manganèse, un métal stratégique proche du fer.
Son groupe Pan African Minerals a déposé le vendredi 2 décembre une demande d’arbitrage auprès de la Cour internationale d’arbitrage de la Chambre de commerce internationale. « Nous avons investi plus de cent cinquante millions de US dollars dans ce projet intégré? dans le cadre de notre Partenariat Public Privé avec l’Etat Burkinabè?. Nous sommes toujours illégalement contraints de suspendre l’exploitation de ce projet stratégique ce qui a un impact néfaste sur les collectivités locales, retarde le développement du Burkina Faso et affecte bien d’autres secteurs d’activités tout comme les économies des pays voisins », explique depuis le Canada le président du groupe Ned Goodman.
Ce dernier affirme également que le « groupe a souffert d’importantes pertes financières au cours des deux dernières années nourries de négociations laborieuses avec le Gouvernement de Transition puis le nouveau Gouvernement élu. Bien que notre société et son équipe dirigeante aient également subi calomnie et diffamation publique, nous savons que même au Burkina Faso personne n’est au-dessus de la loi. Il est maintenant temps que le droit parle ».
De leur côté, les avocats Jean-Georges Betto et Julien Fouret du cabinet Betto Seraglini, qui défend le groupe, renchérissent, déclarant que le « gouvernement du Burkina Faso a une nouvelle fois manifestement violé ses propres lois qui protègent les investissements. Cela ne manque pas de créer l’inquiétude des investisseurs et partenaires financiers du Burkina Faso ainsi que d’autres pays de la sous-région. »
De son côté, le gouvernement riposte, arguant que le contrat a été attribué à l’homme d’affaire dans des conditions douteuses sans pour le moment avoir apporté de preuves concrètes.
Un contrat signé sous l’ère burkinabè et mis en cause par les autorités actuelles
Un contrat rappelons le qui a été attribué par l’Etat burkinabè sous l’ère Blaise Compaoré. Le dossier remonte donc à l’année 2012 lorsqu’une des filiales du groupe, Pan African Burkina limited, obtient l’acquisition du gisement de Tambao. Seulement, Blaise Compaoré est chassé du pouvoir le 31 octobre 2014 suite à une révolte populaire. Et quatre mois plus tard, le 15 janvier 2015, le nouveau gouvernement élu décide de suspendre l’autorisation d’exportation du manganèse du site minier de Tambao auparavant accordée à l’homme d’affaire australo-roumain. Les nouvelles autorités pointent alors du doigt un contrat désavantageux et le non respect par Pan African Minerals des dispositions de la convention minière prévoyant le bitumage de la route Dori-Tambao et la construction de la ligne de chemin de fer Kaya-Tambao.
Des accusations que le groupe rejette, rappelant que Pan African Minerals avait signé le 31 juillet 2014 un accord avec le groupe Bolloré pour la construction du chemin de fer permettant le transport du minerai de Kaya jusqu’au port d’Abidjan. Et que les gouvernements ivoirien et burkinabè qui ont aussi ratifié ce protocole d’accord du projet ferroviaire, représentant 670 millions d’euros d’investissements, pour relier Abidjan au gisement de Tambao, ont finalement confié la responsabilité de sa réhabilitation au groupe Bolloré.
«La Côte d’Ivoire et le Burkina ont donné la responsabilité de la réhabilitation de la ligne ferroviaire Abidjan-Kaya au groupe Bolloré»
Dans un courrier du 9 septembre 2016 adressé au gouvernement, le groupe prend donc soin à son tour de rappeler les engagements de l’Etat burkinabè et du groupe Bolloré : « Suite à la signature le 30 juillet de l’accord entre le Burkina Faso, la Cote d’Ivoire, du groupe Bolloré et de Pan Afrique, les deux Etats ont clairement donné la responsabilité de la réhabilitation de la ligne ferroviaire Abidjan Kaya au groupe Bolloré. Pan African n’est donc plus responsable de la réhabilitation Ouagadougou-Kaya au terme de l’accord », écrit le groupe dans le courrier.
Plusieurs milliards en jeu
Il souligne toujours dans ce courrier, qu’ « au cours des dix-huit derniers mois, nous avons tenté à maintes reprises de convaincre certains membres du gouvernement de prendre les mesures nécessaires afin de ne pas détruire entièrement ce projet et de ne pas ternir l’image du Burkina terre d’investissent pour l’industrie minière. Malheureusement après avoir investi 150 millions de dollars au cours des dernières années, notamment en travaux d’ingénierie, d’infrastructures, d’achats d’équipements et d’études techniques et perdu toute crédibilité pour mener à bien nos autres projets, nous sommes parvenus à la conclusion qu’une suite juste et équitable à nos différends dans le cadre de l’exploitation du projet minier de Tambao ne peut être trouvée ». Dans la conclusion de ce courrier, le groupe assure avoir au total « perdu près de 4 milliards de USD sans compter son préjudice moral ».
Tout porte à croire que le bras de fer entre Pan African Minerals et l’Etat burkinabè ne fait donc que commencer. L’homme d’affaire pourrait bien en effet lui réclamer plusieurs milliards de dollars de dédommagement alors même que le gouvernement du Burkina Faso tente de convaincre actuellement à Paris les bailleurs de fonds d’investir près de 9 milliards de dollars dans le pays.