François Ndoumbé Léa est une grande légende du football camerounais en particulier et africain en général. Aujourd’hui âgé de 68 ans, l’ancien capitaine du Cameroun vit tranquillement sa retraite dans le quartier populeux de Deïdo, à Douala. AFRIK.COM a été lui rendre visite.
Ancien défenseur et capitaine des Lions Indomptables du Cameroun des années 80, François Ndoumbé Léa fait partie de cette équipe camerounaise qui avait disputé, pour la première fois, la phase finale de la Coupe du monde en Espagne, en 1982, et qui s’était adjugée le trophée de la Coupe d’Afrique des Nations face au Nigeria (3-1), en 1984, à Abidjan, en Côte d’Ivoire. Dans cet entretien à bâtons rompus, il revient sur cette CAN 84, tout en évoquant l’évolution du football africain.
Entretien de notre Envoyé spécial au Cameroun,
Vous avez été le tout premier capitaine camerounais à décrocher le titre de champion d’Afrique, en 1984, à Abidjan, en Côte d’Ivoire, que retenez-vous de cette CAN ?
Quand on est rentré de la Coupe du monde de 1982, on s’est mis au travail pour la qualification à la Coupe d’Afrique des Nations qui s’est déroulée à Abidjan, deux ans plus tard. Arrivé là-bas, ce n’était pas facile. On a perdu le premier match contre l’Égypte (0-1). Tout le monde était en colère, même nous les joueurs et le staff technique. Le match suivant, on a gagné face au Togo (4-1). Le troisième match, c’était face au pays hôte, la Côte d’Ivoire, on les a battus aussi (2-0) et on s’est qualifié pour les demi-finales. On a retrouvé l’Algérie avec les Madjer, Belloumi…, tout ce monde. On les a éliminés aux tirs aux buts (0-0, tab 5-4). On s’est qualifié pour la finale contre le Nigeria et on les a battus 3-1. On a remporté ainsi la Coupe à Abidjan.
Le fait d’avoir gagné cette Coupe d’Afrique à Abidjan, n’est-il pas à l’origine de la grande rivalité entre Camerounais et Ivoiriens ?
Je ne pense pas, car c’était la toute première fois que nous gagnions cette Coupe. Mais, aujourd’hui, on a cinq étoiles. Cela veut dire qu’on a gagné à cinq reprises à l’extérieur. Je crois que cette rivalité est due à autre chose, parce qu’ils n’ont pas joué la finale contre nous. On s’est rencontré en match de poules, mais on les a éliminés. Si c’était la finale, je pourrais comprendre. Vous avez peut-être raison, cela peut être lié au fait qu’on est venu prendre la Coupe chez eux
Quel sentiment vous animait ce jour, pour avoir été le premier capitaine de l’histoire du football camerounais à soulever le trophée continental ?
C’était un sentiment de joie. J’étais très content, parce que cette compétition, quand on l’avait organisée en 1972, elle avait envoyé des pauvres et des riches en prison. Le chef de l’État (Ahmadou Ahidjo) avait demandé de mettre tous les moyens pour qu’on puisse la gagner, mais dommage. C’est le Congo-Brazzaville qui nous a gagné 1-0 en demi-finale. Donc, c’est çà…
Vous rappelez-vous de l’accueil à votre retour au pays après cette belle expédition abidjanaise ?
C’était un grand accueil, à peu près similaire à celui qui nous avait été réservé quand on rentrait de la Coupe du monde sans défaite (trois matchs nuls contre le Pérou, la Pologne et l’Italie, ndlr). Tout le Cameroun a bougé, pour venir nous féliciter.
En tant qu’ancien capitaine des Lions Indomptables, quelle est, selon vous, la meilleure génération de l’histoire du football camerounais ?
L’équipe qui a disputé la Coupe du monde de 1982 en Espagne et qui a remporté la première Coupe d’Afrique des Nations, en 1984, est la meilleure de l’histoire du football camerounais. Mais, les générations qui sont venues après, comme les Mboma, Eto’o et paix à son âme, mon frère qui est mort de façon tragique à la Coupe de confédération, à Lyon, en France, en juin 2003, à l’âge de 28 ans, Marc-Vivien Foé.
Aviez-vous assisté en direct à la télé à cette mort tragique de Marc-Vivien Foé, lors de cette fameuse Coupe de la confédération en France ?
Oui, je l’ai vu à la télé, avec beaucoup de tristesse et de consternation. Lorsque son corps a été rapatrié au pays, nous l’avons accompagné dans sa dernière demeure avec les larmes aux yeux. C’était quelqu’un de très puissant, doué et très calme. Qu’il puisse mourir comme ça, jusqu’à aujourd’hui, il y a certains joueurs qui n’arrivent pas à digérer la mort de Foé. Tout le monde était à la cathédrale de Yaoundé, ainsi que le chef de l’État, pour les obsèques de Foé, en présence de son épouse.
Quel est le meilleur souvenir que vous gardez de l’histoire du football camerounais ?
C’est la première qualification en 1982. J’avais qualifié mon pays en tant que capitaine, pour la première fois, à ce rendez-vous mondial. C’est le meilleur souvenir que je garde de l’histoire du football camerounais.
Selon vous, qui est le meilleur joueur de l’histoire du football africain ?
C’est entre Roger Milla et Samuel Eto’o Fils, parce que ce sont les seuls attaquants africains qui sont sortis du lot. Salif Keïta était un joueur moyen, qui s’est distingué au niveau des clubs et des championnats. Mais, les autres ont joué la Coupe du monde. Eto’o a gagné des trophées, il a joué la Ligue des champions européenne et l’a gagnée à trois reprises, dont deux fois avec le FC Barcelone et une avec l’Inter Milan.
Parlons de la coupe d’Afrique des Nations qui se déroule actuellement au Cameroun. Quelles sont les équipes qui vous ont marqué ?
Je pense d’abord à l’Algérie, qui avait la Coupe en main, et qui est sortie dès le 1er tour. Ils n’ont pas produit du beau football. C’est la Gambie qui m’a le plus impressionné. On ne connaissait pas cette équipe dans le football africain. Les équipes telles que le Gabon ou encore le Burkina Faso m’ont également séduit de par le niveau qu’elles ont présenté dans cette compétition. Si on continue à ce rythme, avec 24 équipes d’ici 5 ans, on aura une grande puissance mondiale de football en Afrique.
L’Afrique a déjà remporté des Coupes du monde en cadet, junior, en plus des Jeux olympiques, mais n’arrive toujours pas à se hisser sur la première marche du podium chez les seniors. Pensez-vous que c’est possible un jour ?
Vous savez bien que le football africain est en train de prendre une très grande dimension. Quand vous regardez le football européen, les meilleurs joueurs ne sont pas des Occidentaux, mais des Africains. À tel point que je continue de dire qu’un jour, un pays africain pourrait remporter la Coupe du monde. Je me rappelle même que le Cameroun a atteint les quarts de finale et on nous à éliminé, en 1990, en Italie, dans la tricherie (c’était face à l’Angleterre 2-3, ndlr). Si les choses sont claires, un jour un pays africain remportera le Mondial. Aucun objectif n’est impossible à atteindre chez les Africains.
Que pensez-vous de l’arbitrage est véritablement décrié dans cette 33ème édition de la Coupe d’Afrique des Nations ?
Vous savez, beaucoup d’arbitres sont troublés, craignant que s’ils sifflent, les gens qui sont devants la VAR vont les critiquer. Ils n’ont plus les mains libres pour siffler comme ils le faisaient avant. La VAR est en train de tuer la beauté et le spectacle dans le football. Souvent la VAR a raison et dès fois elle a tort. Beaucoup de gens qui étaient favorables à la VAR pensaient qu’il n’y aurait plus d’erreur d’arbitrage, mais c’est l’effet contraire qui se produit malheureusement.