France : une mère en grève de la faim pour son enfant autiste


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Le combat d’une mère, Karima Gouali, cette habitante de Blois, dans le Loir-et-Cher, est loin d’être un cas isolé. Elle est la quatrième maman en France à observer une grève de la faim pour obtenir une prise en charge de son enfant autiste. L’autisme, récit d’un « scandale français ». Enquête.

Karima Gouali est une mère isolée de trois enfants, salariée d’un groupe spécialisé dans la protection sociale. Jusque-là, rien d’anodin. Mais depuis quelque temps, cette maman de 42 ans qui réside à Blois, dans la région centre, a temporairement cessé son activité, afin de s’occuper de Yohan, son fils de 9 ans, atteint d’un autisme sévère. Afin d’alerter l’opinion publique sur les difficultés qu’elle rencontre, comme de nombreux parents, à trouver une place pour son enfant dans un institut médico-éducatif (IME) spécialisé, Karima Gouali a décidé d’observer une grève de la faim. Elle entame ce vendredi 25 octobre son 9e jour de grève. « Mentalement je me sens très forte. Mais physiquement je suis vraiment fatiguée, j’ai tous les symptômes d’une personne qui ne s’alimente plus depuis plus d’une semaine », confie-t-elle à Afrik.com.

Cela fait trois ans maintenant que Karima Gouali se bat « pour avoir une prise en charge adaptée » à Yohan. « J’ai contacté plusieurs centres spécialisés de la région pour qu’ils accueillent mon enfant, mais la réponse est toujours la même : il n’y a aucune place. Je suis perpétuellement sur liste d’attente », déplore-t-elle. Dans l’attente de trouver une solution à son problème, cette maman « travaille » un peu avec son fils afin de le stimuler. Mais elle en est bien consciente, elle n’est « pas du tout formée pour une prise en charge éducative de son fils ».

En attendant une place en IME et afin de le « socialiser », elle a demandé la scolarisation de Yohan, mais sa requête a été rejetée par l’inspection académique de la région Centre. C’est après avoir fait appel à une avocate parisienne, qu’elle a finalement réussi à obtenir pour son fils, seulement 3 heures d’école par semaine. « Sa future maîtresse m’a dit qu’il ne fallait pas s’attendre à grand chose, car elle n’est pas formée pour s’occuper des enfants autistes », complète Karima.

Alerter les autorités

La Maison départementale des personnes handicapées (MDPH) du Loir-et-Cher a été mise au courant de cette grève de la faim tout comme le maire de Blois, Marc Gricourt. « La mairie de Blois est mobilisée et tous les leviers vont être activés », assure la direction du cabinet du maire. Et d’ajouter : « On ne peut pas laisser une famille vivre dans ces conditions, on fait de notre mieux en envoyant des courriers, en passant des coups de fil ». En tant qu’infirmier de profession, Marc Gricourt a tout naturellement été sensible au dossier de cette maman et de son fils. De son côté, le MDPH du Loir-et-Cher a déconseillé Karima Gouali d’observer une grève de la faim sans pour autant lui apporter une solution concrète.

Mais pour cette mère, « la grève ne s’arrêtera pas » tant qu’elle n’aura pas « de solution à son problème », et ce, « même si elle commence sérieusement à s’affaiblir ». Elle ne peut compter sur l’aide du père de Yohan. Et pour cause, ce dernier est retourné vivre en Algérie, depuis maintenant trois ans. « Il n’y a aucun investissement de sa part, il nous a abandonné », regrette-t-elle. Elle a néanmoins reçu la visite de la sénatrice de Loir-et-Cher, Jacqueline Gourault, qui lui aurait assuré son soutien. Par ailleurs, elle peut compter sur son comité de soutien qui a récemment ouvert une page Facebook : « Soutien à Karima Gouali gréviste de la faim », qui a rassemblé en peu de temps plus de 800 « J’aime ».

Un cas loin d’être isolé

Jointe par Afrik.com, la présidente de l’association Autisme France, Danièle Langloys, s’est dite « consternée » par ce nouveau cas de grève de la faim. Car en effet, depuis l’été 2013, il s’agit de la quatrième maman à opter pour cette solution extrême. « Cela montre à quel point aujourd’hui les familles n’ont plus rien à perdre, les mamans vont donc jusqu’au bout de leur logique », affirme Mme Langloys. « Cette maman doit se sentir coupable en se disant :  » encore trois ans de perdu « , lorsque l’on sait que les enfants autistes peuvent bénéficier d’une prise en charge précoce ! », lance-t-elle.

Ultime solution pour cette maman si rien ne se présente à l’horizon, un recours en justice contre l’Etat, selon la présidente d’Autisme France. Récemment l’Agence régionale de Santé (ARS) d’Île de France a été condamnée par voie judiciaire à trouver dans un délai fixe une place en IME pour un enfant autiste et à verser des dommages et intérêts à la famille. C’est la première fois qu’une telle condamnation a lieu en France, après que la mère de l’enfant concerné ait observé une grève de la faim. Nous avons contacté les responsables de l’ARS de la région Centre qui disent être au courant que le jeune « Yohan est sur liste d’attente pour une admission dans un Institut médico-éducatif adapté à son handicap ».

Seulement, les solutions temporaires en attendant la libération d’une place en IME ne semblent pas convenir au handicap du jeune garçon, puisque l’ARS du Centre explique qu’« une prestation de compensation humaine permet à la famille de salarier une auxiliaire de vie à domicile ». Hors, l’enfant a besoin d’un suivi médico-éducatif. Selon ses responsables, l’ ARS du Centre réalise actuellement « un état des lieux de l’offre d’équipements et des besoins, afin de définir des priorités régionales d’ici la fin de l’année 2013 (…) et ainsi permettre des créations de places nouvelles dans les établissements et services médico-sociaux et l’adaptation des structures existantes aux besoins spécifiques des autistes ».

Une place en urgence ?

Une lueur d’espoir attend cependant Karima Gouali et son fils, après que l’ARS nous ait indiqué que « l’installation en urgence de quelques places supplémentaires en IME est actuellement étudiée sur un financement temporaire émanant du disponible non pérenne de l’enveloppe régionale médico-sociale 2013 ». Reste à savoir si Yohan pourra bénéficier d’une de ses places, ce qui mettra enfin un terme à la grève de la faim observée par sa maman.

« Cette histoire a perturbé ma vie familiale, ce n’est pas une vie. Je ne demande qu’une seule chose, que mon fils ait accès à l’éducation spécialisée et que l’on arrête de me dire de placer mon enfant en hôpital psychiatrique. Je ne veux pas me débarrasser de mon enfant mais simplement l’aider à s’en sortir », conclut Karima Gouali qui se dit prête à déménager s’il le faut afin de trouver un centre pour son fils.

La mobilisation autour de Karima Gouali enfle un peu plus chaque jour afin que les politiques et les organes de santé concernés prennent connaissance de ce dossier. Cette grève de la faim quasi-inédite en France fera-t-elle bouger les choses pour son fils et les milliers de familles qui se trouvent dans la même situation ?

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